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13 décembre 2008 6 13 /12 /décembre /2008 00:15

William McIlvanney est un fils de mineur (cette information, nous le verrons a son importance), né en 1936 dans une petite ville ouvrière proche de Glasgow. C’est à peu près tout ce qu’il est utile de savoir sur lui, avant d’attaquer ses bouquins.

Les romans de William McIlvanney sont noirs comme la houille, durs et calleux comme les mains des mineurs. A commencer par le magnifique Big Man :

Thornbank, petite ville sinistrée d'Ecosse. La crise de l'industrie lourde en Europe a transformé une ville ouvrière, avec tout ce que cela sous entend de culture, de luttes, et de solidarités, en une ville perdue, où la notion de classe a disparu avec les plus anciens. Dans ce marasme, quelques légendes locales survivent, et parmi elles, Dan Scoular, Big Man pour tous les habitués du pub, homme entier, chaleureux, capable d'étendre n'importe qui du premier coup de poing.

C'est cette dernière caractéristique qui intéresse Matt Mason, un des chefs de la pègre de Glasgow, qui veut organiser un combat poings nus pour régler un différent avec un de ses concurrents. Dan Scoular, accepte un peu rapidement, pour l'argent, pour ce qu'il représente dans la mythologie virile de ces ex ouvriers rudes et durs au mal, peut-être aussi pour essayer de reconquérir sa femme ... Suivront trois semaines qui l'amèneront à aller au bout de lui-même, physiquement et mentalement. Trois semaines pour s'interroger sur sa vraie nature, sur son image et sur les valeurs auxquelles il a toujours cru.

Le mariage réussi de la boxe et du roman (ou film) noir remonte à la plus haute antiquité (ou presque), déjà les grecs … Mais je m’égare. Rarement le mélange avait atteint une telle densité, une telle richesse et une telle profondeur dans l'analyse et la réflexion. Au premier degré, l'histoire est superbement contée. La tension monte jusqu'à la scène de bravoure que représente le combat, une scène très attendue, qui ne déçoit pas. Et on n’est pas encore au bout de ses surprises.

Mais surtout, tout le roman est une superbe réflexion sur le chemin personnel d'un homme, image de toute une classe qui disparaît. Dan Scoudar, à l’image de toute la classe ouvrière européenne, doit tout reconstruire. Les valeurs qui ont soutenu ses parents, leur attachement à une lutte de classe qui devait amener à des lendemains socialistes qui chantent, se sont effondrés avec le passage des travaillistes (ailleurs socialistes) au pouvoir, et avec la mort de la classe ouvrière organisée. Une classe ouvrière que l’on a fait exploser en opposant ceux qui ont accédé à la classe moyenne (basse), et ceux qui ont raté la marche et sont devenus chômeurs.

Dan ne peut plus calquer son attitude, ses réactions, sur celles de tous ceux qu'il avait respecté jusque là. Il doit réinventer ce qui est juste, redéfinir son camp, ce pour quoi, mais aussi ce contre quoi il doit lutter, pour regagner la liberté et le respect de soi. Tout cela sans décevoir tous ceux qui voient en lui une légende qui les aide à supporter leur propre déchéance. Pour finir, au-delà de ce personnage hors norme, ce qui frappe c'est également la tendresse et l'humanité avec lesquelles McIlvanney décrit tous les supporters de Dan, tous ces perdants pathétiques, pitoyables, mais tellement humains. Un roman  bouleversant et plus que jamais indispensable.

A côté de ce roman noir, McIlvanney a écrit trois romans policiers, centrés autour du personnage de Laidlaw, flic doué et grande gueule de Glasgow. Le premier, Laidlaw, le voit enquêter sur le viol et le meurtre de Jennifer Lawson, 18 ans. Il doit faire vite parce que la pègre de la ville a décidé d'aider le père, colosse rude et violent, à faire justice lui-même. De son côté, un ami du meurtrier cherche à l'aider à quitter la ville sans encombres. Entre ces trois intérêts incompatibles la course est lancée.

Outre le suspense créé par une narration adoptant les points de vue des différents groupes lancés à la recherche du meurtrier, ce roman frappe par sa capacité à rendre parfaitement les atmosphères et les émotions. Silence brutal du père, sorte de roc, obtus, aveugle à tout et à tous, plus en colère parce qu'on a osé toucher à sa fille que véritablement peiné ; détresse sans fond de la mère, anéantie par le chagrin, et totalement inexistante, soumise à la violence psychologique du père ; atmosphère d'un Glasgow populaire, délabré mais humain ... Les scènes relatant des situations de tension, d'affrontement psychologique ou physique sont particulièrement impressionnantes. Et puis, ce Laidlaw, cousin écossais du sergent de l'A14 de Robin Cook, pareillement en proie au doute, pareillement torturé, mais également rebelle, indiscipliné, honnête et profondément humain, est un personnage qu'on ne peut qu'aimer, et souhaiter retrouver.

Dans Etranges Loyautés, Laidlaw en pleine déprime va croiser la silhouette de Big Man. Il a divorcé, sa nouvelle relation bat de l'aile, et son frère Scott de 38 ans vient de mourir, complètement saoul, écrasé à la sortie d'un pub. Jack ne comprend pas pourquoi son frère avait autant changé ces derniers temps, devenant amer, déprimé, et se perdant dans l'alcool. Pour faire le deuil de cette mort, il va mener son enquête, et essayer de comprendre ce qui a bouleversé Scott. Cela l'amènera à remuer un passé qu'il aurait préféré ignorer, mais également à élucider une autre mort, celle de Dan Scoudar, un homme brave, dur au mal et honnête, qui avait défié la pègre de Glasgow, et a fini écrasé par un chauffard que l'on n'a jamais retrouvé.

Ici Laidlaw, ses coups de gueule, et sa recherche sans concession de la vérité croise le fantôme du superbe personnage de Big Man, dernier héros de ce qu'il reste de la classe ouvrière écossaise. McIlvanney complète le portrait d'une société écossaise déboussolée, où ceux qui ont gardé un idéal sombrent dans la déprime face à la puissance et l'arrogance croissantes des parvenus cyniques. Une société où les enfants des ouvriers, dépossédés de tout, même de la solidarité et des valeurs d'une classe sociale qui a disparue en tant qu'entité soudée, se retrouvent finalement dans une situation beaucoup plus désespérée que celle de leurs parents. Laidlaw, sorte de médecin légiste de cette société, incapable de faire abstraction de toutes les ténèbres qui l'attendent au dehors, ne supporte plus l'hypocrisie et l'indifférence de ceux qui ont réussi, et a de plus en plus de mal à maîtriser sa propre violence. Cette vision très sombre de notre monde, est parfois éclairée par de superbes portraits de personnages forts et dignes, souvent des femmes, que McIlvanney peint avec une grande tendresse.

En conclusion, lisez William McIlvanney.

Lailaw (Laidlaw, 1977) Rivages/noir (1987). Traduit de l’anglais (Ecosse) par Freddy Michalski ; Big Man (Big Man, 1985) Rivages/noir (1990). Traduit de l’anglais (Ecosse) par Freddy Michalski ; Etranges Loyautés (Strange Loyalties, 1991) Rivages/noir (1992). Traduit de l’anglais (Ecosse) par Freddy Michalski

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20 novembre 2008 4 20 /11 /novembre /2008 22:04

Né en 1940 et mort à l’âge de 42 ans, Ted Lewis a écrit seulement huit romans dont cinq ont été traduits en français et publiés chez rivages. S’il fallait résumer son importance, il suffirait de dire que Robin Cook l’admirait et le considérait comme l’écrivain qui lui avait ouvert la voie. Qu’ajouter à cela ?

Là où Jake Arnott dresse un portrait du crime londonien et de son impact sur le reste de la société, en insistant en particulier sur ses liens avec le monde politique, et sur la fascination qu’il suscite dans les media et le public, Ted Lewis nous y plonge droit dedans, sans jamais nous laisser l’occasion de relever la tête pour voir ce qu’il y a autour.

Sa série consacré à Jack Carter, sorte de Parker londonien, en plus cynique (si si, c’est possible) et bien plus noir et violent (là encore c’est possible) et surtout en beaucoup plus glauque, est représentative de son œuvre. Jack Carter est « au service » des frères Fletcher, deux caïds londoniens. Il est sans pitié, sans scrupules, et surtout sans illusion sur ses employeurs, qu’il trompe d’ailleurs (dans tous les sens du terme) allègrement.

Que ce soit Le retour de Jack ou Jack Carter et la loi, inutile de chercher des truands flamboyants ou fascinants. Pas de parrains à la Brando, ni même à la Scarface. Juste des hommes malins, brutaux, cruels mais également assez bêtes et totalement incultes, qui règnent par la peur et la violence.

Quand il sort du milieu du crime organisé, le tableau ne s’éclaircit pas. Plender en est un magnifique exemple : Plender était à l'école le souffre douleur, le prolo. Il est maintenant détective privé pourri mais friqué. Son fond de commerce : chantages, adultères … A l’école Knott faisait partie de la même bande, mais lui avait du succès. Il en a toujours ; marié avec une femme qui a de l'argent, il est photographe, et travaille pour des catalogues de sous vêtements. Il en profite pour baiser avec tous modèles qui passent par son studio. Un soir, Plender surprend Knott en train d'essayer de se débarrasser du cadavre d'une jeune femme, morte connement en sortant de son atelier. Il tient alors sa vengeance.

Ce roman à deux voix, passant du point de vue de Plender à celui de Knott, est d’une noirceur totale. Les deux protagonistes sont de parfaits salauds, immondes, sans morale, venimeux et dangereux. Leur affrontement est visqueux. La construction de l'intrigue est impeccable. On ne peut lâcher le bouquin, fasciné et on le referme sonné, avec une image de l'Angleterre bien éloignée des fastes royaux.

Pas étonnant que Robin Cook l’ait considéré comme un maître. Ci-dessous une bibliographie très incomplète. De toute façon, pour les autres c’est facile, c’est aussi chez Rivages.

Le retour de Jack (Jack’s return home, 1970) Rivages/noir (1991). Traduit de l’anglais par Jean Esch ; Plender  (Plender, 1971) Rivages/noir (1996). Traduit de l’anglais par Jean-Paul Gratias ; Jack Carter et la loi (Jack Carter’s law, 1974) Rivages/noir (1995). Traduit de l’anglais par Jean Esch
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26 septembre 2008 5 26 /09 /septembre /2008 21:35

Commençons par une reconnaissance de dette. Dans ce billet, comme très certainement dans tous ceux à venir, les informations biographiques sont tirées de l’indispensable, l’incontournable, l’indépassable Dictionnaire de Littératures Policières, connus parmi les initiés sous le petit nom de DILIPO.

Ce qui est à Claudius étant rendu à Mesplède … Voici le premier billet consacré à mes mal-aimés ou méconnus.

Laissons nous aller à une petite simplification, qui, j’en suis bien conscient, laisse pas mal d’auteurs de côté, mais qui fournit une entrée en matière qui me plait. Chez les écrivains anglais, il y a la famille tasses de thé, héritiers (ou plus souvent héritières) de la grand Agatha. La famille bière, flic et procédures à laquelle appartiennent des auteurs comme Bill James, John Harvey ou Graham Hurley. Et la famille tripes, came, sang, alcools forts et boyaux, dans la lignée de Ted Lewis et Robin Cook. C’est à cette dernière qu’appartient Jake Arnott. Pour ma part, c’est vrai, en matière de polar comme de gastronomie, je préfère la bière, le whisky et la barbaque au thé …

Jake Arnott est né à Londres en 1961. Il quitte l’école à 16 ans et galère, de squats en petits boulots pendant les années 80. Il publie Crime Unlimited, premier volet de sa trilogie consacrée au crime londonien en 1999.

Crime Unlimited, Crime Song et True Crime forment un triptyque (sans blague !) qui va des années 60 aux années 90. Passant par les années Thatcher, pour finir sous le gouvernement Blair. Au travers d’une peinture du milieu du crime londonien, c’est bien entendu un véritable portrait de trente ans de société anglaise qui est dressé.

Crime Unlimited se déroule donc dans les années 60, à Londres. Harry Stark est un personnage aussi charismatique que dangereux. Ceux qui croisent sa route l’apprennent vite, pour leur bonheur ou leur malheur et le racontent. Terry l’amant qui essaya de le doubler ; Lord Thursby, fragilisé par une situation financière catastrophique et une homosexualité cachée ; Jack the Hat, petit truand minable ; Ruby, starlette qui n’eut jamais son heure de gloire ; Lenny, sociologue, criminologue,  qui le rencontre à l’occasion d’un cours de sociologie qu’il va donner en prison.

Ce superbe récit polyphonique tourne autour de Harry. Les différents narrateurs introduisent autant de points de vue, de styles et d’approches. Cela donne un portrait contrasté et riche du personnage central, mais également un portrait de Londres dans toutes ses composantes sociales. Une ville toute aussi fascinante que le personnage principal, et une société anglaise malade de son hypocrisie, et de ses tabous. L’ensemble, parfaitement maîtrisé, passe avec fluidité de la violence à l’humour, de l’action au discours universitaire, des bouges aux palais de la haute pour donner, simplement, un très grand roman noir.

Crime Song commence en 1966, le jour où les anglais fêtent la victoire de leur équipe en coupe du monde de foot. Dans le Swinging London, trois hommes voient leur vie basculer : Billy Porter, ancien soldat, ayant participé à des opérations commando en Malaisie vit de petits vols. Lors d’un banal contrôle, avec deux complices, il abat trois flics. Frank est un policier ambitieux, et l’un des hommes abattus était son meilleur ami. Sid est un petit banlieusard qui a réussit à se faire embaucher dans un journal à scandales qui profite du meurtre des trois policiers pour réclamer à corps et à cris le rétablissement de la peine de mort.

Reprenant les lieux et l’époque du précédent roman, Crime Song, au travers du regard de trois nouveaux personnages, offre trois nouveaux points de vue sur les années 60/70 à Londres. Aussi magistralement écrit et construit que le précédent il en enrichit la peinture, et la prolonge jusqu’aux mouvements sociaux et pacifistes des années 80, et l’utilisation massive de la police comme force de répression particulièrement violente contre les grévistes, et plus particulièrement contre les mineurs par le gouvernement Thatcher.

Puis exit les années Thatcher, voici les années Blair. True Crime reprend la construction chorale des deux romans précédents, et boucle la trilogie en mettant en scène trois personnages qui ont été, ou vont être, marqués par un revenant … Harry Stark. Julie est actrice, elle essaie de faire croire qu’elle vient de la bonne société londonienne, mais elle cherche en fait à oublier son père, ancien truand, tué en Espagne dans les années soixante par Harry Stark. Tony est un journaliste véreux, assassin à ses heures, qui rêve s’écrire le De sang froid anglais, mais végète à faire le nègre de différents truands dont les mémoires, plus ou moins bidouillées, s’arrachent. Gaz, petit voyou violent sans envergure ne devraient rien avoir en commun avec les pointures du crime londonien ; il croisera pourtant leur route. A l’enterrement d’une vieille gloire, quelqu’un croit apercevoir Harry …

Jake Arnott complète avec ce troisième roman son tableau d’une société anglaise malade, ayant perdu ses repères moraux. Une société où la célébrité, même la plus vaine et la plus artificielle, tient lieu de réussite. Une société fascinée par la violence de truands élevés au rang d’icônes par une génération qui ne voit que le lustre et les paillettes télévisuelles et ignore tout de la misère sociale qui leur sert de terreau. C’est une société en état de décomposition avancé, révélée par les voix de trois personnages magnifiquement campés, sans concession mais avec une grande compréhension de la nature humaine et de ses faiblesses. Tout cela est mené de main de maître, en parallèle d’une course au trésor qui permet à l’auteur de revenir à son personnage premier, et de boucler ainsi cette trilogie superbe de bout en bout.

Crime Unlimited (The long firm, 1999), 10x18/domaine étranger (2005), traduit de l’anglais par Colette Carrière. Crime Song (He kills coppers, 2001) 10x18/domaine étranger (2005), traduit de l’anglais par Colette Carrière. True Crime (Truecrime, 2003) 10x18/domaine étranger (2006), traduit de l’anglais par Colette Carrière.
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21 août 2008 4 21 /08 /août /2008 21:14

Je ne sais pas par où commencer ce billet. Trop de choses à dire. Alors je vais commencer par le plus simple, le plus évident, un résumé rapide.

44 jours de David Peace raconte les ... 44 jours de Brian Clough, grand joueur anglais des années soixante écarté de terrain à la suite d’une blessure, comme manager de l’équipe de Leeds alors championne d’Angleterre en titre. 44 jours, ou chronique d’une catastrophe annoncée, tant il est évident dès la première ligne que tout se passera mal entre une équipe de stars aux ego ... de stars, et la plus grande gueule du football anglais des années 60-70.

Voilà. Avec ça, vous n’êtes guère avancés. Et je me retrouve aussi couillon qu’au début du billet. Par où commencer.

 

Allons-y. Dans le tout petit milieu du polar, je fais partie de ceux qui, tout en reconnaissant son immense talent, n’arrivent pas à lire les romans de David Peace. C’est un grave défaut, une tache que je reconnais. J’ai lu 1974 son premier roman traduit. Le style m’a étouffé. La plongée dans son univers totalement glauque, où pas un seul personnage ne semble avoir une seule étincelle d’humanité m’a secoué et dérangé. J’aime le noir, le sombre, le glauque, mais à condition qu’il y ait, non pas une lueur d’espoir, mais au moins de compassion, d’empathie, d’humanité. C’est pourquoi j’aime Ken Bruen, Caryl Férey ou Antoine Chainas qui pourtant ne sont pas particulièrement roses. Mais chez Peace, rien. Donc j’ai arrêté.

Mais comme je sais également écouter les copains, je me disais qu’il fallait que je m’y replonge un jour. Et 44 jours m’a paru être l’occasion. J’avais raison.

 

Venons-en au sujet et à la grande question : Faut-il être amateur de foot, et plus précisément de foot anglais des années 60-70 pour apprécier ce roman ? Je crois que, comme le dit Yvon, cela doit apporter un plaisir supplémentaire. Mais je crois aussi, contrairement à ce que dit Michel, que ce n’est pas indispensable. Je ne m’intéresse pas au foot, et je ne connais aucun des noms cités dans le roman, et pourtant, il est passionnant.

La raison essentielle en est qu’il raconte une histoire universelle, classique dans le roman noir. Celle d’une ascension au sommet, suivie de l’inévitable chute (indispensable, sinon on est chez Harlequin, pas à la série noire !), avec son cortège de trahisons, d’illusions, de désillusions, de drames et de fureur. Le cadre est ici celui d’un club de foot, il pourrait s’agir de boxe, de truands, d’hommes d’affaire, de syndicalisme, de politique … le canevas reste le même, il a toujours un fort pouvoir attractif.

Dans un cadre aussi classique et attendu, David Peace, grâce à son talent, arrive à nous intéresser au personnage (même si on ne s’intéresse pas au foot), et même à nous accrocher à un suspense qui n’en est pas un, puisqu’on sait, dès le départ, que cela finira mal. Mais on se passionne pour le « comment », pour la manière, pour les détails.

A cela se rajoute un autre grand classique du roman noir : la lutte perdue d’avance d’un homme intègre face à un système qui valorise la magouille et la compromission, d’un homme qui refuse de renier ses valeurs face à un système prêt à tout pour conquérir ou conserver le pouvoir, et surtout d’un homme qui ne veut pas plier, sûr d’avoir raison, face aux forces toujours supérieures de ceux qui, même s’ils n’y connaissent rien, ont l’argent.

Car Brian Cough tel qu’il est écrit par David Peace est un homme dur, capable d’être infect, grande gueule sans aucune pitié pour les autres, mais c’est également un homme intègre qui ne recule jamais d’un pas, et préfère mourir que renoncer à ses convictions et ses valeurs. Ce qui le rend bien entendu un peu plus sympathique, même si l’on ne partage pas les valeurs en question.

C’est grâce à ces thématiques que, bien qu’il n’y ait aucun mort, ni même aucune transgression de lois, nous avons bien là un vrai roman noir, à défaut d’avoir un roman policier.

 

Pour finir, malgré quelques effets de styles qui, personnellement, ne me convainquent pas toujours (mais c’est vraiment mineur), c’est l’écriture de Peace qui fait passer tout cela, avec une puissance émotionnelle impressionnante. Difficile de ne pas ressentir les émotions de Brian, de ne pas sentir dans les tripes à la fois son impuissance face à toute l’équipe de Leeds, jour après jour, et également ses regrets, la plaie jamais refermée d’avoir été viré de son club précédent. Le mélange passé/présent est à ce titre maîtrisé de façon magistrale.

Une petite réflexion pour finir sur le monde du foot tel qu’il apparaît dans ce bouquin : Un marché aux bestiaux ! Il n’est question ici que d’achat et vente de joueurs, de managers, de fric, de tractations entre les clubs … Pas un mot sur les jeunes, sur la formation, sur des talents en construction. Non, juste un gros marché (à l’époque limité aux îles britanniques, aujourd’hui mondial), où l’on cherche à acheter le meilleur, et à se débarrasser des poids morts sans, bien entendu, la moindre considération pour ce que peuvent vouloir ou penser les bestiaux ainsi échangés. Depuis les années 70, j’ai comme l’impression que la situation n’a pas évoluée en bien …

David Peace / 44 jours  (The damned Utd, 2006), Rivages Thriller (2008). Traduction de l’anglais par Daniel Lemoine.

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27 juillet 2008 7 27 /07 /juillet /2008 23:43

Si je dis Ian Rankin, vous direz sans aucun doute : Rebus, son flic fétiche d’Edimbourg. Moi aussi d’ailleurs. Et voilà que je découvre, bien tard, qu’il écrit également des thrillers. Dont Traques que voici.

Gordon Reeve est un ancien des SAS qui a quitté l’armée et est devenu organisateur de week-ends de survie sur une île écossaise. Il mène une vie aussi rangée qu’il peut avec sa femme et son fils. Jusqu’au jour où il est contacté par la police de San Diego : Son frère Jim, journaliste a été retrouvé mort dans sa voiture. Suicide. Gordon part pour organiser les funérailles, mais sur place de nombreux détails clochent. En quelques jours il apprend que son frère enquêtait sur une énorme entreprise chimique, croise un ami de Jim qui est persuadé qu’il a été assassiné, et s’aperçoit qu’il est suivi. Mais surtout, du coin de l’oeil, il aperçoit un fantôme, un homme des SAS qu’il croyait mort lors de sa dernière mission, en Argentine, pendant la guerre des Malouines. Gordon Reeve revient alors sur ses terres, pour préparer la contre-attaque et affronter son passé.

Du pur plaisir, plus de 400 pages qui tournent toutes seules, jusqu’à l’ultime et inévitable confrontation. Comme toujours dans ce genre de roman, le prétexte à la traque et au suspense est assez secondaire, et n’a pas forcément besoin d’être totalement crédible. Même s’il n’est pas difficile de croire qu’une entreprise énorme, dont les intérêts sont liés aux plus importants lobbys industriels, soit prête à tuer pour empêcher des secrets gênants d’être révélés au public. Quand aux secrets en question, comme dans tout bon Hitchcock, on y croit ou pas, mais ce n’est pas le plus important.

Le plus important c’est le rythme, le suspense, la qualité d’écriture, l’excitation de la lecture. Avec ici, parfaitement maîtrisés par un Ian Rankin qui, à mon avis, se fait bien plaisir, deux suspenses parallèles, sur l’histoire présente, et le passé traumatisant de Gordon Reeve. Tout cela est d’un grand classicisme, mais quand c’est réussi, ça marche à tous les coups. Et là, c’est parfaitement réussi. Du pur plaisir donc.

Ian Rankin / Traques  (Blood hunt, 1995), Editions du Masque (2007). Traduction de l’anglais (Ecosse) par Daniel Lemoine.

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26 juillet 2008 6 26 /07 /juillet /2008 22:27

Un designer qui monte qui monte, dont le Tout Londres commence à parler, ça n’a pas envie de se laisser emmerder par un petit bonhomme terne et ennuyeux. Alors quand, un matin aux aurores, Mister Kitchen vient lui prendre la tête sous prétexte de lui acheter sa bagnole, notre designer pète un peu les plombs, et transperce le dit Kitchen avec une de ses créations. Seulement voilà, un emmerdeur mort reste un emmerdeur, dont il faut se débarrasser. Et quand une journée commence mal, il y a peu de chances qu’elle se termine bien. Les choses vont même aller de mal en pis pour notre pauvre artiste, qui va tenter de compenser en s’enfilant dans le gosier et dans le nez toutes sortes de produits, ce qui ne va pas améliorer son calme et sa lucidité. Une vraie journée de merde !

Vous connaissez peut-être ce numéro de cirque qui consiste à faire monter le plus de monde possible sur un vélo ? Ou cette scène d’un film des Marx Brothers où ils entassent le plus de monde possible (là encore) dans une cabine de bateau ? Et bien Charles Higson a certainement fait le pari d’empiler le plus d’emmerdements possibles, de plus en plus graves, sur la tête de son personnage. Il y réussi d’ailleurs avec brio, au point que son héros, loin d’être a priori sympathique, c’est peu de le dire, finit presque par nous faire de la peine !

C’est drôle, fort enlevé, sans pitié sur la société anglaise, de bas en haut, des prolos abrutis de bière, aux aristos pleins de morgue, en passant par les arrivistes et parvenus. Les diatribes du « héros », dans leur méchanceté et leur cynisme, sont un excellent exemple de démontage implacable de tout ce que notre bonne conscience nous amène à faire, à dire ou à penser, juste pour avoir l’impression que l’on fait partie des « gentils ». Lui est un sale con, riche, et fier de l’être.

A mon goût, c’est quand même un peu long, et frôle le répétitif sur la fin. Et au final, laisse le sentiment d’une certaine vacuité, ou vanité (vanité de vain, pas de vaniteux). Mais cela reste un bon divertissement.

Charles Higson / L'encombrant Mister Kitchen (Getting rid of mister Kitchen, 1996), Editions du Rocher/Thriller (2008). Traduction de l’anglais par Guy Abadia.

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11 juin 2008 3 11 /06 /juin /2008 21:24

« Journaliste et critique musicale, Cathi Unsworth est arrivée en héritière de Robin Cook sur la scène du roman noir anglais. Au risque de se perdre a reçu les éloges de Ken Bruen, James Sallis et David Peace » Peut-on lire sur la quatrième de couverture. Hil de pute ! Comme on dit par chez moi, quel parrainage. Après ça, la dame a intérêt à assurer. Voyons ce qu’il en est …

A Londres, Diane, Barry, et leur patron Neil, éditent un magazine culturel d’avant-garde. Leur prochain numéro devrait faire date avec l’interview exclusif de Jon Jackson, toute nouvelle coqueluche du cinéma anglais que Diane et Barry connaissent de l’époque où il tournait les clips des groupes rock. A moins d’une semaine de la sortie de la revue, le corps du cinéaste est découvert atrocement torturé, d’une façon qui rappelle une des scènes de son film. La presse conservatrice se rue sur l’occasion pour stigmatiser la mauvaise influence d’un certain cinéma, les groupies se désolent, Neil flaire le scoop, et Diane et Barry tentent de noyer leur chagrin dans le travail. Ils ne savent pas qu’ils vont être happés par cette affaire et y laisser des plumes.

Et alors ? Cathi Unsworth est-elle digne de tant d’éloges ? Ne faisons pas trop languir le lecteur. Oui.

Cela pourrait être écrasant, il n’en est rien. Certes, je ne suis pas vraiment en ligne avec la référence à Robin Cook. Mais pour le reste, ses pairs ont bien raison de saluer son roman.

D’après la préface (de David Peace), elle connaissait bien Robin Cook et a longtemps été critique musicale et littéraire. Mais l’univers de son roman, bien que sombre, est quand même moins noir que celui du maître. Ce qui n’enlève rien à son talent.

Elle connaît parfaitement le milieu qu’elle décrit, sait l’évoquer avec une grande justesse, ce qu’il faut de lucidité et de méchanceté pour en pointer les défauts, mais également avec un amour et une humanité qui lui permettent d’éviter l’écueil, assez courant, de la charge aigrie. Cathi Unsworth n’est pas dupe, mais de toute évidence, elle aime ce qu’elle fait en tant que journaliste, les gens sur qui elle écrit, et cela se sent et nourrit son roman.

Son histoire est superbement construite, et ménage dans l’emballement final un suspense impeccable. Ses personnages, au bord de la folie (et c’est en cela qu’elle est la plus proche de Robin Cook) sonnent vrais, émeuvent, sans qu’elle tombe jamais dans la facilité, la caricature ou le cliché.

Elle réussit très bien le mélange harmonieux de la noirceur et l’humanité des grands du roman noir, et de l’efficacité du thriller. Ken Bruen, James Sallis et David Peace, entre autres, ne s’y sont pas trompés.

Cathi Unsworth / Au risque de se perdre  (The not knowing, 2005), Rivages noir (2008). Traduction de l’anglais par Karine Lalechère.

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10 avril 2008 4 10 /04 /avril /2008 20:58

John Harvey est un auteur précieux. Sans esbroufe, avec une grande simplicité et une apparente facilité il construit, roman après roman, une œuvre magistrale. D’ombre et de lumière est le troisième roman de la série consacrée à Frank Elder.

 

Frank Elder est retourné se terrer en Cornouailles quand son ex femme Joanne l’appelle. Il craint dans un premier temps que leur fille Katherine, séquestrée et violée par un psychopathe en partie par sa faute, soit de nouveau au plus mal. Mais il s’agit d’autre chose. La sœur d’une amie de Joanne a disparu depuis deux semaines, et elle voudrait que Frank vienne l’aider. Pour s’occuper et pour avoir l’occasion de voir sa fille, Frank accepte de revenir à Nottingham. Quelques jours après le début de son enquête, la disparue est retrouvée chez elle, morte, étendue sur son lit dans un attitude paisible. Une mise en scène qui rappelle à Frank sa première enquête à Nottingham, huit ans plus tôt. Un meurtre qu’il n’a jamais élucidé.

 

Pourquoi John Harvey me touche-t-il autant ? Pourquoi tous ses romans font-ils mouche ? Qu’est-ce qui fait de ce troisième (et dernier ?) opus de la série Frank Elder une réussite de plus ?

On peut citer, en vrac, des ingrédients de la sauce. Les intrigues sont toujours soignées, entremêlées, jamais simplifiées. Le décor, les lieux, les atmosphères sont toujours bien rendus, sans effets spectaculaires, sans figures de style, mais avec ce qu’il faut pour que l’on sente le froid, l’amertume d’un café, la buée sur le pare-brise d’une voiture. Et surtout, les personnages sont magnifiques, qu’ils soient pourris, paumés, écrasés, bienveillants, fripés, courageux, lâches, solitaires, au point de rupture ou heureux … John Harvey les aime tous, leur accorde à tous son attention et son talent, décrit, explique mais ne juge que très rarement. Du coup le lecteur accroche, tremble, pleure, rit avec eux.

Pour lier tous ces ingrédients, et faire monter la sauce il y a sans doute ce qu’on appelle le talent. John Harvey est un grand qui aime les gens et le dit en écrivant de magnifiques histoires policières.

Comme les deux autres volumes consacrés à Frank Elder, celui-ci est plus intimiste, plus centré sur la psychologie des personnages que la série Charlie Resnick, que l’on pourrait qualifier de plus « sociale ». Une distinction est un peu artificielle car bien entendu il y a aussi du social dans les Elder, et du psychologique dans les Resnick. Le cycle Frank Elder se terminerait, c’est bien dommage. Mais il se lit ici ou là que bientôt Charlie Resnick serait de retour, et ça c’est une excellente nouvelle.

Bibliosurf publie sur son site un interview de John Harvey, réalisé par Marc Villard et traduit par Stéphanie Benson.

John Harvey / D’ombre et de lumière (Darkness and light, 2006). Rivages/Thriller (2008). Traduit de l’Anglais par Jean-Paul Gratias.

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14 mars 2008 5 14 /03 /mars /2008 21:42

Chose promise, chose due. Voilà donc le deuxième volet des aventures de Royston Blake, monstre décérébré créé par Charlie Williams. Foin de suspense, je le dis tout de suite, c’est aussi bon que Les allongés, premier livre de la série. Royston Blake deux, le retour, il revient dans Des clopes et de la binouze, et il n’est pas content.

C-Williams.jpgVous le savez peut-être déjà, Royston Blake est anglais. Plus précisément il est de Mangel. Pour autant, Blake n’est pas un gentleman. Loin s’en faut. Blakey comme l’appelle familièrement les habitants de Mangel est Le Videur de la ville. Celui du Hoppers, pub où se réunit le gratin. Il se plait à se considérer comme un notable, quelqu’un à qui l’on doit le respect. Pour un œil extérieur, Blake apparaît comme une masse de 110 kg de barbaque, de bière et de bêtise. Mais comme c’est lui qui raconte … Or, malgré sa notoriété et sa respectabilité, une fois de plus, le pauvre Blake va foncer tête baissée dans les pires emmerdes quand la ville se trouve envahie de minots complètement défoncés et irrespectueux.

Ceux qui ont lu le premier vont avoir une petite surprise : le changement de traducteur (c’était Daniel Lemoine, c’est maintenant Thierry Marignac). Cela introduit un changement de ton qui peut être un peu déstabilisant. En particulier quand le gros Blake passe sans arrêt du « je » au « nous » pour parler de sa majestueuse personne. Renseignement pris auprès de sources bien informées (et oui, j’ai des sources bien informées), c’est comme ça dans le texte original. Et ça colle parfaitement avec l’enflure de l’ego du personnage.

Une fois ceci passé, c’est le pied. Le vrai pied. Blake est encore plus pathétique, pitoyable, que dans le premier. Il est toujours aussi bête, se prend toujours pour la crème de la crème alors qu’il est d’une épaisseur terrible. Là, en plus, il devient risible, même en tant que videur. Si dans le premier il reste physiquement dangereux, il passe  ici son temps à se prendre des roustes. Le monde entier lui met des branlées ce qui, étonnamment, n’arrive pas à ébranler sa confiance en lui. Effet comique assuré.

Bizarre comme, tout en étant profondément anglais, ce personnage fait penser aux grandes gueules des comédies italiennes des années 70. Le Fanfaron, Le pigeon, Les monstres …Gassman dans toute sa splendeur. Peut-être parce qu’il est affreux, sale et méchant ?

Pour finir sérieusement, sous le nez rouge, la peinture sociologique de cette petite ville de province anglaise est sans pitié, accompagnée du dynamitage féroce des valeurs du bon gros mec de base : fric, grosse bagnole, filles à gros seins et alcool. Un vrai plaisir, à condition, bien entendu, de ne pas avoir le palais trop délicat.

Extraits : Voilà toute la finesse de la réflexion du gros :

« J’avais vu comment les sauterelles nous détaillaient à Hoppers. Elles arrivaient pas à nous quitter des yeux. J’étais balèze, évidemment, et ça vous donnait toujours un avantage auprès des jupons. En plus, il y en avait un certain nombre qui nous comptaient comme un sosie de Clint Eastwood, si vous pouvez l’imaginer avec un peu plus de viande sur les osselets. Donc, au bout du compte, impossible qu’on lui plaise pas. Surtout que j’étais videur-chef et gérant de chez Hoppers, et que c’était une jeune gonzesse en bonne santé et tout. »

Et quand il tente de réfléchir ça donne ça : 

« J’ai fait des calculs rapides dans ma tête et j’ai doublé les sommes un ou deux fois. Puis j’en ai retiré un peu parce qu’il faut pas pousser le bouchon trop loin dans ces cas-là, ça risque d’assécher la manne. Et puis j’ai choisi un chiffre, parce que j’ai jamais été très bon en calcul. »

 

Charlie Williams / Des clopes et de la binouze (série noire, 2008)

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2 mars 2008 7 02 /03 /mars /2008 19:45

Nick Stone est un auteur anglais qui, d’après le quatrième de couverture, a vécu à Haïti dans sa jeunesse, et y est retourné plus tard, adulte. C’est ce voyage qui lui a donné le point de départ de Tonton Clarinette.

Stone.jpgMax Mingus était privé à Miami quand il a abattu les camés qui avaient enlevé, violé et tué une gamine. Il a pris huit ans de prison. Sa peine touche à sa fin quand il est contacté par Allain Carver, un des hommes les plus riches d’Haïti, pour retrouver son fils Charlie disparu depuis maintenant deux ans. Rien dans l’affaire ne plait à Max, mais Allain lui offre une véritable fortune s’il retrouve le gamin, et Max a besoin de faire quelque chose pour oublier la prison, la mort accidentelle de sa femme, et le vide de sa vie. Il accepte donc. Il ne sait pas qu’il va être confronté à une misère bien pire que tout ce qu’il a pu imaginer, à la superstition et à une violence qu’il n’a jamais approchée, même dans les pires quartiers de Miami.

Voilà ce que j’appellerais un bon polar, solide, sérieux, bien fichu, bien meilleur qu’un simple thriller, car en plus d’être bien construit avec tous les ingrédients du thriller, il nous plonge dans un monde que nous ne connaissons pas, mais sans cette étincelle, ce … truc, très difficile à définir, qui fait que des romans comme Versus ou La griffe du chien sont d’une autre nature, d’un autre niveau.

Tous les éléments sont là : un privé dans la plus pure tradition, à la fois dur à cuire, rude, mais également faillible, plein de contradictions et de faiblesses. Une intrigue qui tient la route, avec fausses pistes et coups de théâtres, et même quelques éléments à la limite du fantastique. Tout cela au service de la description d’un enfer, celui d’Haïti, où les anciens tontons macoutes des sinistres Duvalier sont toujours là, où règne une misère invraisemblable, où superstition et religion mènent la danse, et où les anciens esclavagistes blancs sont toujours les maîtres. Une île où l’on crève tous les jours de chaud, de faim, d’ignorance, de maladie ... Et où la vie humaine ne vaut pas lourd, et où les plus faibles, à commencer par les enfants, sont les plus exposés. Un pays où les Marines et les casque bleus se conduisent comme des conquérants et des prédateurs, alors qu’ils sont censés être des libérateurs au service de la démocratie …

Au-delà de l’intrigue, la description de cette réalité pour atroce est le grand plus de ce bon polar.

Nick Stone / Tonton clarinette (série noire, 2008).

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