Il parait tant de polars chaque année que l’on en rate forcément. C’est ainsi que je n’ai pas lu les premiers romans de Moussa Konaté consacrés au commissaire Habib. Je le découvre aujourd’hui avec La malédiction du lamantin.
Bamako, Mali, saison sèche. Comme tous les ans, les Bozos, ethnie de pêcheurs, s’installent au bord du fleuve. Un soir, un orage dévastateur sème la désolation sur la ville et le campement Bozo. Au petit matin, le chef Kouata et son épouse sont retrouvés morts entre les petites maisons de terre. Pour tous les Bozos, la cause est entendue, c’est Maa, le Lamantin, divinité du fleuve Niger à laquelle ils sont intimement liés, qui s’est vengé d’une offense passée en foudroyant le couple. Pour le commissaire Habib, la réalité est tout autre : Kouata est mort d’une crise cardiaque sur le cadavre de son épouse, tuée de deux coups de poignard. Malgré la pression rageuse de toute l’ethnie, Habib est bien décidé à faire la lumière sur cette affaire.
J’aurais voulu être beaucoup plus enthousiaste après la lecture de ce roman. Pensez donc, un polar malien, un nouveau personnage, pour tout amateur curieux (et les lecteurs de polars sont curieux), c’est une véritable aubaine.
Or il manque un petit quelque chose pour emporter l’enthousiasme. L’intrigue est vraiment mince, sa résolution facile. Et l’auteur n’arrive pas complètement à nous intéresser aux personnages. Pas suffisamment du moins pour qu’on tremble ou qu’on se réjouisse avec eux. En résumé, un certain manque d’ampleur, de puissance, d’épaisseur.
Malgré ces quelques réserves, je conseillerais quand même cette lecture. Parce que l’auteur réussit pleinement la description de la ville, et surtout de cette ethnie Bozo partagée entre animisme et islam, vivant dans un monde moderne sans avoir jamais perdu ses croyances. Parce qu’il nous fait voyager et découvrir un monde qui nous est totalement inconnu. Parce qu’il nous met fasse aux incompréhensions entre « l’école des blancs » et un autre façon de concevoir le monde, et qu’il le fait, justement, depuis l’autre rive, et pas, comme on en a l’habitude, avec les réflexions de « l’école des blancs ». Parce qu’il le fait au moyen d’une belle écriture, adaptée au propos. Parce qu’il est parfait quand il passe dans le registre du conte.
Peut-être les petits défauts s’effaceront-ils dans les prochains épisodes. Vous avez là l’avis de Jeanjean de Moisson noire.
Moussa Konaté / La malédiction du lamantin, Fayard/Noir (2009).