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22 avril 2014 2 22 /04 /avril /2014 23:17

Yes, Jo Nesbo est de retour. Inutile de faire durer le suspense, vous le savez sans doute tous, Harry Hole, après Fantôme est … Toujours sec dans ses titres le norvégien, c’est Police.

Nesbo

Oslo. Un ancien policier est sauvagement assassiné sur les lieux d’un crime jamais élucidé. Il avait fait partie de l’équipe ayant échoué dans son enquête. Lorsqu’un second policier est tué dans des circonstances analogues, la police doit se rendre à l’évidence, un tueur a décidé de s’en prendre aux flics, en particulier à ceux qui n’ont pas élucidé les affaires sur lesquelles ils ont travaillé. D’habitude, ce genre d’affaire revenait à Harry Hole. Mais Harry n’est plus là pour les aider. Pendant ce temps, dans l’aile sécurisée d’un hôpital, un homme est dans le coma, étroitement surveillé. Certains attendent avec impatience qu’il se réveille pour parler. D’autres redoutent qu’il se réveille pour parler …


Alors, il est dans quel état Harry ? Je le dirai pas.


Alors qu’est-ce qui s’est passé à la fin de Fantôme ? Je le dirai pas non plus.


Alors merde, il va revenir, il est toujours vivant ? En forme ? Toujours rien, je serai muet comme une tombe.


Jamais peut-être Jo Nesbo n’avait maîtrisé à ce point le suspense, la façon de vous laisser avec un doute atroce à toutes les fins de chapitres. Attention, lecture déconseillée aux cardiaques. Oui, ça fait un peu procédé ou recette de cuisine. Oui, mal maîtrisé ça aurait pu énerver, agacer, voire carrément gonfler.


Sauf que Jo Nesbo est un maître cuisinier et qu’il assaisonne à la perfection les recettes les plus connues, battues et rabattues. Et je ne sais pas vous, mais moi j’ai marché comme un seul homme. Comme un couillon, à tous les coups. Et puis on sent qu’il s’est fait tellement plaisir à jouer avec nos nerfs, que ce serait gâcher de ne pas prendre plaisir nous aussi.


Comme quoi, le thriller quand c’est bien fait, c’est pas mal aussi. Et là, cela relève de l’horlogerie suisse, du grand artisanat, voire du grand art. Jouissif.


Jo Nesbo / Police (Politi, 2013), Série Noire (2014), traduit du norvégien par Alain Gnaedig.

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7 janvier 2014 2 07 /01 /janvier /2014 23:13

Je l’avais un peu laissé de côté l’an dernier, mais j’ai profité des vacances pour essayer cet islandais dont c’est le second roman traduit chez Métailié. J’avoue que Excursion de Steinar Bragi m’a laissé perplexe.

 

Bragi

Ils sont quatre, deux couples. Ils ont décidé en cette fin d’été d’aller faire une virée en 4x4 en pleine nature pour s’amuser et échapper le temps d’une balade au rythme de la capitale et des affaires. Sauf que la nature islandaise n’est pas toujours hospitalière, que n’importe qui ne s’improvise pas explorateur et que l’isolement ne fait pas toujours ressortir le meilleur de l’homme. Un accident les oblige à trouver refuge dans une maison complètement isolée habitée par deux vieux étranges. Et c’est là que tout commence à se gâter.


Je suis donc resté perplexe.


Ça démarre très bien. L’accident, la réclusion en pleine cambrouse, la nature intimidante, les deux vieux bizarres. L’immensité et l’étrangeté, ainsi que la menace sous-jacente du « désert » du centre de l’Islande sont très bien rendues. Le malaise s’installe petit à petit, les failles apparaissent et la bonne humeur de façade se craquèle. Les conventions sociales lâchent, les rancœurs et saloperies ressortent peu à peu. Les deux hôtes forcés deviennent petit à petit aussi inquiétants que le décor. Et l’incapacité chronique à quitter cet enfer est fort bien racontée et mise en scène.


Si cela en restait là, j’aurais beaucoup aimé le portrait caustique que ce huis clos en plein air dresse de la société islandaise moderne. Mais peu à peu l’auteur ajoute des mystères, des éléments de fantastique, et sauf erreur de ma part (ou alors je suis complètement passé à côté), ne résout rien. Un mystère pèse sur l’identité des hôtes, qui reste ouvert, les personnages disparaissent peu à peu victime de ? On ne sait pas. Des forces fantastiques semblent à l’œuvre, lesquelles ? Mystère. Je serai bien incapable de dire exactement comment ça se termine.


Alors je ne suis pas contre quelques questions qui restent ouvertes, ni contre quelques mystères laissés à l’interprétation du lecteur, mais là, franchement, il y en a trop pour moi et cela me laisse l’impression que l’auteur ne savait plus comment se sortir d’affaire.


Perplexe je suis donc resté. Et vous ?


Steinar Bragi / Excursion (Hálendid, 2011), Métailié (2013), traduit de l’islandais par Patrick Guelpa.

 

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27 novembre 2013 3 27 /11 /novembre /2013 22:09

De Leif GW Persson j’avais lu, il y a déjà quelques temps Comme dans un rêve qui reprenait l’enquête sur l’assassinat d’Olof Palme. Puis j’ai laissé passer les suivants. Rivages ressort un roman bien plus ancien de l’auteur, Les piliers de la société écrit en 1982.

 

Persson

Lars Martin Johansson, flic venu du grand nord du pays, est nommé à la tête de la Brigade Criminelle. Très rapidement il se trouve pris dans une affaire très médiatisée, et fort embarrassante pour la police : Oncle Nisse, un vieux pochard connu des services a été ramassé, une fois de plus, fin saoul et mis au frais dans une cellule. A son arrivée il était sale, inconscient, mais ceci mis à part « en bon état ». Quelques heures plus tard, le responsable des rondes le trouve toujours inconscient, mais affublé d’hématomes violents, signe d’un tabassage en règle, alors qu’il est seul dans sa cellule. La presse s’empare du scandale, qui s’aggrave quand Nisse meurt à l’hôpital. Et c’est Lars Martin qui va devoir mener l’enquête pour savoir si, oui, ou non, il y a eu violences policières.


Je ne vais pas tourner autour du pot, je me suis un peu ennuyé. Le procédural scandinave, j’aime bien (chez Mankell, chez Indridason ou chez Sjöwall et Wahlöö), mais sur plus de quatre cent pages d’une enquêté qui aboutit à la conclusion que certains flics sont plus que limite et qu’ils s’en tirent quand même c’est un peu long …


Si l’on en croit le roman, dans les années 80, le quotidien d’un flic consistait à arrêter des ivrognes et des cambrioleurs qui faisaient assaut de bêtise. Et la société était suffisamment saine pour se scandaliser qu’une bande de gros bras profitent de leur position de flic pour maltraiter en toute impunité les poivrots, prostituées et toute autre personne en position de faiblesse. Et tout cela est fort bien rendu, l’enquête est précise et détaillée, les personnages bien définis, l’écriture ne manque pas d’un humour, certes léger et froid, mais bien présent, la peinture de la société suédoise intéressante … Bref, sur la forme, rien à dire, c’est du beau boulot.


C’est juste que, même si je ne suis pas, et vous le savez, un fan inconditionnel des thrillers sous acide qui enfilent les scènes gores et de castagne, et les rebondissements toutes les pages … Ben un peu de vie, d’action et de couleur n’aurait pas fait de mal là-dedans et j’ai eu de gros coups de mou pendant la lecture.


Donc Persson quand il reprend le dossier Palme dans Comme un rêve, c’est bien ; là, c’est bien fait, mais j’ai pas mal ramé.


Leif GW Persson / Les piliers de la société (Samhällsbärarna, 1982), Rivages/Thriller (2013), traduit du suédois par Catherine Renaud.

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13 novembre 2013 3 13 /11 /novembre /2013 22:34

En deux romans traduits en France, Stefán Máni s’est affirmé comme l’auteur islandais pas comme les autres. Pas de personnage récurrent, pas de mélancolie, une énergie qui décoiffe, des intrigues qui vont à fond. Présages, son troisième, confirme cette place à part. Accrochez vos ceintures.

Mani

Hrafn est un tout jeune colosse quand le bateau de pêche à bord duquel il aide son père mécano et le patron Pétur coule. Le capitaine périt dans le naufrage et le jeune Harfn et son père survivent par miracle. Deux ans plus tard, de nouveau par miracle, le jeune homme échappe à l’avalanche qui détruit une partie de son village. Ses parents, son frère et sa sœur meurent dans la catastrophe. Il commence alors une liaison avec Maria, la fille de Pétur, jeune fille suicidaire qui le laisse au bout de quelques mois pour Simon, un dealer de Reykjavik venu se terrer dans leur village perdu pour échapper à l’attention de la police. Des années plus tard, Harfn est policier à la criminelle de la capitale quand son chemin croise de nouveau celui du truand. Une lutte s’engage qui ne pourra s’achever que par la mort de l’un des deux.


Première constatation à la lecture de ce roman de Stefán Máni, l’islandais qui décoiffe n’a rien perdu de sa capacité à décrire une nature déchaînée. Que ce soit un naufrage, ou une tempête hallucinante, ça déménage. Quelle puissance d’évocation ! On en grelote, on est secoué, on se les gèle, on est assourdi par la fureur du vent, on se rapproche instinctivement du feu. Ne serait-ce que pour cela, lisez-le !


Cette violence de la nature chez Máni, entraine une violence des hommes. Si chez Indridason ou Thorarinson les personnages dépriment ou cultivent un certain humour flegmatique, ici ils enragent et pètent les plombs. Et ça aussi il le décrit toujours aussi bien. Au froid environnant, ils réagissent par le feu.


Une nouveauté dans ce troisième roman est que sans rien perdre de cette rage et de la puissance de son écriture, l’auteur semble gagner un tout petit peu en … En quoi ? J’hésite à écrire sérénité tant ce mot semble incompatible avec l’auteur et pourtant, c’est bien cela que l’on ressent, un peu, au final. On le sent plus indulgent pour ses personnages, pour leurs travers et leur rage, plus « gentil ». Disons qu’en plus de nous secouer, il nous émeut. Il gagne en profondeur.


Bref, ne ratez surtout pas Présages, une autre vision de l’Islande.


Stefán Máni / Présages (Feigd, 2011), Série Noire (2013), traduit de l’islandais par Eric Boury.

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24 octobre 2013 4 24 /10 /octobre /2013 19:27

Le lecteur de polar est un animal d’habitudes. Il aime, régulièrement, retrouver des personnages familiers. Montalbano, Harry Hole … ou, comme c’est le cas ici Varg Veum, le privé de Bergen créé par Gunnar Staalesen. Que revoici dans Comme un miroir.

Staalesen

Varg Veum est contacté par une avocate, Berit Breheim. Cela fait des semaines qu’elle n’a plus de nouvelles de sa sœur et de son beau-frère. La dernière fois qu’elle les a vus, elle a sorti ce dernier de prison. Il s’y retrouvait pour ivresse et agression sur les policiers qui étaient venus le calmer à la demande des voisins. Retrouver des gens disparus, c’est ce que Varg fait le mieux, avec une autre chose : déterrer le passé. Or une affaire revient tout le temps sur le devant de la scène : trente ans auparavant, la mère des deux femmes est morte noyée avec son amant, un saxophoniste local, juste après avoir quitté leur père. La fatalité d’acharne-t-elle sur les femmes de la famille Breheim ?


Depuis des années Varg Veum fait un peu partie de ma bande polar. Le copain du nord pluvieux, plutôt sympa, pas tête brûlée comme Harry, pas complètement dépressif comme Erlendur ou Wallander, un de ceux qu’on a plaisir à retrouver le temps d’une histoire. Et ça marche une fois de plus.


Je ne dirais pas que ce volume est le meilleur de la série, j’en ai préféré d’autres, comme le précédent L’écriture sur le mur ou Anges déchus, mais c’est un bon cru, classique, qui offre ce qu’on vient chercher dans ces histoires : Un privé qu’on a appris à aimer, des personnages secondaires saisis dans toute leur humanité, une ville très proche de la nature, souvent pluvieuse, parfois magnifique (c’est du moins ainsi que je l’imagine), et des histoires sensibles où l’empathie de Varg et de son créateur font merveille.


Comme toujours le passé et la nostalgie ont leur place au côté d’une histoire actuelle qui aborde, par la bande, les trafics de déchets (du nord vers le sud) et les nouveaux négriers de l’immigration clandestine (du sud vers le nord). Et c’est aussi cela la patte Staalesen : cette façon de traiter de grands sujets de façon sensible, par petites touches, toujours avec une teinte sépia.


Ceux qui aiment seront heureux de retrouver Varg Veum, ceux qui trouvent que cela ne va pas assez vite, que c’est trop « nordique » peuvent passer leur chemin.


Gunnar Staalesen / Comme dans un miroir (Som i et speil, 2002), Folio/Policier (2013), traduit du norvégien par Alex Fouillet.

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21 avril 2013 7 21 /04 /avril /2013 17:03

Jo Nesbo est un grand, un très grand. Et Harry Hole est son prophète. Il revient, plus déterminé et plus déglingué que jamais dans Fantôme.

Nesbo

A la fin du volume précédent, Harry Hole un peu plus marqué, était retourné se terrer à Hong-Kong. Rien ne semblait pouvoir le tirer de sa retraite. Le voici pourtant de retour à Oslo. Oleg, le fils de Rakel son grand amour, a été mis en prison, accusé du meurtre d’un dealer. Une accusation à laquelle Harry ne peut pas croire. Après trois ans d’absence il trouve une ville changée, et pourtant égale à elle même. L’héroïne semble avoir été remplacée par une drogue de synthèse, la majorité des gangs de trafiquants ont été anéantis, sauf un, celui de Dubaï, un russe fantomatique que personne n’a vu. Un trafiquant discret, efficace et impitoyable qui semble avoir de très bonnes protections politiques et policières. Et c’est dans cette fourmilière là qu’Harry va donner un coup de pied, sans filet puisqu’il n’est plus rien dans cette ville, sinon le cauchemar de pas mal de flics et de truands.


Pour aller voir derrière la façade de la social démocratie scandinave il y a la façon … scandinave, avec des héros flics à tendance dépressive, respectueux de l’ordre, de la hiérarchie et de la procédure. Cela peut donner de très bons résultats, comme chez Mankell ou Indridason. Des résultats plus ennuyeux chez d’autres que je ne citerai pas … Et puis il y a la façon hard boiled, style yanqui, et là c’est Harry Hole et Jo Nesbo.


Et une fois de plus c’est sacrément, bon, ça déménage et on en prend plein les mirettes. Corruption à tous les étages, castagne, coups de théâtre à répétition, surprises de taille … Je me suis fait mener par le bout du nez du début à la fin. Et quelle putain de fin !


Bref encore un grand, grand thriller signé Jo Nesbo (comme quoi il y a de bons thrillers), un immense personnage, du grand art. Quand j’y pense, je me rends compte que la série Harry Hole est une des rares à n’avoir aucun épisode un peu faiblard, et une des rares à réussir à maintenir un fil conducteur, d’un épisode à l’autre. Vraiment du grand art.


Jo Nesbo / Fantôme (Gjenferd, 2011), Série Noire (2013), traduit du norvégien par Paul Dott.

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10 mars 2013 7 10 /03 /mars /2013 22:21

Cela fait deux romans d’Arnaldur Indridason qu’on sait qu’Erlendur est en vacances. Il faut savoir que les vacances façon Erlendur c’est pas vraiment sea, sex and sun … Non, le revoilà sur son lieu de villégiature préféré, les fjords de l’est. On l’y trouve dans Etranges rivages.

Indridason

Erlendur est donc en vacances dans l’Est, dans sa région d’origine, là où gamin il a perdu son petit frère dans une tempête. Comme chaque fois qu’il revient, il campe dans leur ancienne maison, en train de tomber en ruine. Ses discussions avec un paysan voisin lui rappellent une disparition dont il avait entendu parler dans son enfance, celle d’une jeune femme qui n’avait jamais atteint la maison de ses parents qu’elle allait rejoindre à travers la lande. Par curiosité, par désœuvrement, pour régler ses comptes avec son passé … Il décide de s’intéresser à cette disparition qui lui semble étrange.


Il est fort cet Indridason. Il est très fort même. Parce qu’arriver à nous passionner pour ce personnage de plus en plus dépressif, de plus en plus isolé, de moins en moins rock & roll, il faut le faire ! Comme le dit un des vieux qu’il interroge et qu’il finit par faire craquer :


« Vous êtes l’homme le plus buté que j’aie rencontré dans ma longue existence. »


Têtu, buté … et humain. Malgré sa misanthropie, malgré sa vie de solitaire, au fond, Erlendur aime les gens, et encore plus, aime la vérité. Et cela se sent. S’il y a un domaine dans lequel Indridason excelle, outre la subtilité de ses intrigues, c’est dans le rendu des émotions et des sensations. Ses enquêtes ne sont jamais aussi fortes que lorsqu’il se penche sur l’intime. On a froid avec Arnaldur, on revit avec lui les journées entourant la disparition de son frère, on partage sa peine, sa culpabilité. On compatit avec lui, on sent cette vie rude d’une Islande en voie de disparition, bien différente de celle des requins de la finance. Une Islande qui vit au rythme de la nature, parfois somptueuse, parfois meurtrière. Une nature que les habitants avaient appris à aimer, mais aussi à respecter et à craindre.


Encore un très bon cru islandais, avec le plaisir de retrouver Erlendur. Reste que j’aimerais bien maintenant voir comment Indridason traite la situation de crise, pour avoir une autre regard, après celui très pertinent d’Arni Thorarinsson.


Arnaldur Indridason / Etranges rivages (Fur∂ustrandir, 2010), Métailié (2013), traduit de l’islandais par Eric Boury. 

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17 octobre 2012 3 17 /10 /octobre /2012 19:38

 

Arni Thorarinsson était l’un des invités de TPS. J’avais eu l’occasion de le rencontrer à Ombres Blanches il y a deux ans et j’avais beaucoup apprécié l’humour et la gentillesse de ce grand bonhomme discret. Son dernier roman traduit L’ange du matin, montre que la discrétion n’empêche pas le talent et qu’il devient, sans faire de bruit, un des auteurs majeurs du genre.

 

thorarinssonEinar, journaliste mélancolique et flegmatique du « Journal du soir » de Reykjavik est rappelé à la capitale : Il lui faut faire une interview de Olver, un des fameux « nouveaux vikings », ces financiers véreux qui ont fait fortune puis plongé l’Islande toute entière dans la ruine. Cela l’enchante d’autant moins qu’au moment où on l’appelle il a découvert dans la petite ville où il était correspondant le corps d’une jeune femme sourde, employée de la poste qui a été étranglée, et il aimerait suivre l’affaire. Quand quelques jours après son interview, la fille d’Olver est enlevée, le journal du soir se trouve en première ligne pour traiter l’information.


Arni Thorarinsson s’améliore donc de roman en roman. L’ange du matin s’élève au niveau des meilleurs John Harvey. Et montre, une fois de plus, que c’est souvent le roman noir qui s’attelle à décrire (et pas dénoncer), les disfonctionnements de notre société. Quand c’est fait avec talent comme ici, c’est grand.


Superbes intrigues croisées, épaisseur des personnages, réelle compassion et empathie pour ceux qui souffrent, sans jamais tomber dans le pathos. Ecriture fluide et humour tendre. Que demander de plus ?


En plus on a la peinture sans concession d’une société islandaise complètement perdue, déboussolée par le cynisme des banquiers et autres traders qui ont amassé des fortunes, mis le pays à genou, et s’en sortent indemnes quand toute la population paie les pots cassés. Une impression d’impunité et d’injustice qui corrompt toute la société, fait tomber les barrières morales, laisse à penser que tout est bon pour s’en sortir et détruit, peu à peu, la solidarité qui cimentait le peuple islandais. D’où la dégradation du lien social, et la disparition d’une idée très islandaise (d’après l’auteur) qu’un islandais en vaut bien un autre, qu’aucun n’est au dessus ou au dessous …


Résultat, un très beau roman noir, amer, tendre et indispensable en ces temps de crise. Un roman qu’on lit un sourire mélancolique aux lèvres, et la rage au cœur, comme Einar.


Arni Thorarinsson / L’ange du matin(Morgunengill, 2010), Métailié (2012), traduit de l’islandais par Eric Boury.


PS. Comme je l’écris plus haut Arni Thorarinsson écrit de mieux en mieux. Et pour ceux qui voudraient découvrir cet auteur maintenant, on peut ne pas lire le premier de la série (un peu plus faible que les autres), commencer par le second, ou même directement par ce dernier. Les voici dans l’ordre :

Le temps de la sorcière / Le dresseur d’insectes / Le septième fils / L’ange du matin.

 

TPS 2012Arni Museum

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18 septembre 2012 2 18 /09 /septembre /2012 23:19

Ya pas qu’un cheveu sur la tête à Mathieu, ya pas qu’un flic dans la police de Reykjavik … Erlendur (il est où d’ailleurs celui-là ?) est rejoint par l’équipe de flics de Stefán dans Anges noirs sous la plume de Ævar Örn Jósepsson.

josepssonVoici Stefán et son équipe. Ils ont été réquisitionnés pour enquêter sur la disparition de Brigitta informaticienne géniale. Ce qui est étrange c’est que quelqu’un très haut placé les a alerté avant même que sa disparition ne soit signalée par son ex mari auprès de qui elle devait récupérer ses enfants, et qu’on leur a fourni immédiatement un dossier très fournie sur la jeune femme. Encore plus étrange, impossible de savoir vraiment de qui émane la demande d’investigation. Malgré ces irrégularités, Stefán et son équipe entendent faire leur travail de mieux possible, quitte à déranger quelques personnages qui se croient intouchables.

Commençons par tordre le cou à deux modes qui m’agacent.

La première est celle qui consiste, pour tous les éditeurs de polars, à traduire à tour de bras le premier auteur scandinave venu dans l’espoir de rééditer le coup marketing de Millenium (parce qu’en plus, à mon humble avis, Millenium c’est pas bon, c’est même pas loin d’être catastrophique par moments). Et sa conséquence, la manie de certains libraires (qui ne méritent pas ce magnifique nom), mais également de certains lecteurs, de s’extasier devant tout ce qui vient du nord.

La deuxième est conséquence de la première … C’est l’attitude qui consiste à cracher sur tout ce qui vient des pays scandinaves, sous prétexte de la première mode.

Tout ça pour énoncer une lapalissade qui vaut son pesant de café du commerce : des auteurs scandinaves, comme des auteurs italiens, américains, latinos, anglais, irlandais … et même français, y en a des très bons, des très mauvais, et toutes les nuances entre les deux.

Voilà. Ævar Örn Jósepsson justement est, à mon avis, entre les deux, mais plutôt dans la catégorie recommandable. Pas génial, pas révolutionnaire, pas indigne non plus. Recommandable.

 

C’est un roman dans la plus pure tradition du roman procédural. Comme ceux de la série Erlendur, Wallander, Beck ou même du 87° district pour remonter aux créateurs originaux.

On y retrouve une intrigue soignée centrée sur la description du travail de la police, une attention particulière portée à la vie personnelle de quelques flics, et la description d’une ville, d’une société, d’une époque. Ici l’Islande du boom (de la bulle ?) économique, quand les managers soit disant géniaux gagnaient des fortunes en brassant du vent, juste avant que tout ne s’effondre.

Un roman moins poignant et émouvant que ceux d’Indridason, mais qui apporte une touche d’humour souvent absente des procéduraux nordiques. La vie hors commissariat des flics est particulièrement soignée et les « mésaventures » du jeune Arni sont plutôt cocasses et bien racontées.

Bref, sans être génial ça se lit bien et j’attends de pied ferme la suite pour voir si l’auteur prend de l’ampleur ou si c’était un coup isolé.

Ævar Örn Jósepsson / Anges noirs(Svartir englar, 2003), Série Noire (2012), traduit de l’islandais par Séverine Daucourt-Fridriksson.

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11 juillet 2012 3 11 /07 /juillet /2012 19:51

En attendant de plonger tête baissée dans la rentrée littéraire, juillet août permet aussi de repêcher des bouquins qu’on avait laissés de côté. De se laisser un peu plus guider par le hasard et la curiosité. C’est comme ça que j’ai ouvert Gel nocturne de Knut Faldbakken. Pas vraiment convaincu …

Faldbakken

Nous sommes à Hamar, petite ville norvégienne. Une ville tranquille la plupart du temps. Mais là trois cadavres sont trouvés : Celui d’un homme qui a visiblement passé une partie de l’hiver sous la neige de la forêt voisine, et ceux de Georg et Lydia Hammerseng, notables et piliers de la ville, retrouvée morts chez eux. Jonfinn Valmann est en charge de la première enquête, et impliqué malgré lui dans la seconde. Dans sa jeunesse il allait souvent chez les Hammerseng et était ami avec leur fils. Contre l’avis de ses chefs qui voient dans la mort du couple un suicide, Jonfinn décide d’enquêter, au risque de ternir salement la réputation de Georg et Lydia, et de faire ressortir des secrets que la petite ville préfère taire.


Je n’irai pas jusqu’à dire que je me suis ennuyé, mais presque … Le roman traine pas mal, et s’il est sauvé par un final qui secoue un peu la torpeur qui peut s’abattre par moment sur le lecteur, il n’est pas exempt de longueurs. On pourrait donc dire qu’il est honnête et le conseiller comme lecture facile et distrayante.


Mais j’ai eu un autre problème avec ce roman.


Sa façon de suggérer, tout au long du roman, de vieux secrets de famille enfouis, de révéler peu à peu les blessures du passé, de décrire une petite ville qui ne veut pas savoir … m’a fait penser dès les premières pages aux romans de Thomas Cook. Et force est de constater que l’on est très loin de l’écriture, de la puissance d’évocation et de la maîtrise de l’intrigue de romans comme Les ombres du passé ou Les leçons du mal pour ne citer que ces deux là.


Je ne sais pas si Knut Faldbakken est un influencé par Cook, ou s’il a juste la malchance d’écrire sur les mêmes thématiques, quoiqu’il en soit, la comparaison est cruelle. A moins que je ne sois injuste et trop dur avec lui …


En résumé, si vous ne savez pas quoi lire, lisez Thomas Cook.


Knut Faldbakken / Gel nocturne (Nattefrost, 2006), Seuil/ Policiers (2012), traduit du norvégien par Hélène Hervieu.

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