Un John Connolly sans Parker (ou presque). C’est bien quand même. C’est sombre, fantastique, ce sont Les âmes perdues de Dutch Island.
Dutch Island, que certains des habitants appellent encore Sanctuaire. Une île au large de Portland, dans le Maine. Joe Dupree y est flic, comme son père et son grand-père. Joe est immense, un vrai géant. Et Joe sait qu’il y a plus de cent ans des choses horribles se sont déroulées sur l’île, et qu’elles ont laissé une marque. Comme son père et son grand-père, Joe sait aussi qu’il a un autre rôle que celui de simple flic.
Sur le continent, Edward Moloch vient de s’évader et a rassemblé une bande de psychopathes pour l’aider dans sa vengeance. Il veut retrouver sa femme qui l’a vendu aux flics, lui faire payer ses années de prison et récupérer l’argent qu’elle lui a pris. En prison son rêve lui a révélé que sa femme a changé de nom et qu’elle a trouvé refuge au large de Portland. Alors que sur Sanctuaire les habitants les plus sensibles sentent que le mal se rapproche, la bande de tueurs de Moloch se met en marche.
Du pur plaisir bien sombre, bien stressant. Un exercice de style brillamment mené : Une bande de fous sanguinaires arrive sur une île, coupée du reste du monde le temps de la confrontation par une tempête homérique. Avec, comme toujours chez Connolly, un assaisonnement fantastique, ici plus marqué que dans ses autres romans, mais jamais de facilité dans la résolution des affaires. Pour ceux qui ne sont pas familiers de cet auteur, c’est fantastique, il y a intrusion de choses « non naturelles » dans l’histoire, mais tout pourrait aussi s’expliquer de façon « rationnelle ». Pas d’avancée de l’intrigue grâce à des recours à des forces occultes, tout ce qui relève du fantastique pourrait aussi s’expliquer par la folie, toujours. Même si …
Bref, c’est superbement mené et délicieusement stressant. On en frissonne de plaisir et on se surprend à jeter un coup d’œil dehors, la nuit, en refermant le bouquin pour voir si ce n’est pas une silhouette grise qu’on a aperçu, là dehors …
John Connolly / Les âmes perdues de Dutch Island (Bad men, 2004), Presses de la cité/Sand d’encre (2014), traduit de l’anglais (Irlande) par Santiago Artozqui.