Le travail de réédition effectué par les éditions Rivages est une vraie bénédiction pour les amateurs. Ceux qui avaient lu les textes dans leurs premières éditions peuvent découvrir des traductions plus fidèles, compléter leurs collections ou découvrir des romans à côté desquels ils étaient passés. Les nouveaux venus dans le monde du polar peuvent facilement découvrir les grands auteurs. Après le boulot réalisé sur les séries Dortmunder/Parker de Westlake/Stark, voici un bijou noir d’un des plus grands maîtres du genre, L’échappée de Jim Thompson, un vrai bonheur d’autant plus que je ne connaissais pas ce roman.
A peine sorti de prison, Doc McCoy et sa femme Carol préparent, avec un troisième complice, le braquage d’une banque qui leur permettra de se retirer, riches. Le coup se déroule comme prévu, mais c’est ensuite que les ennuis commencent. Et si Doc a toujours l’air d’un gentleman souriant et sympathique, s’y fier serait une grave erreur. Doc est un truand, un vrai, prêt à écarter par tous les moyens quiconque se met en travers de son chemin. Ce qui a commencé comme un holdup parfaitement programmé tourne au jeu de massacre.
Les amateurs de Jim Thompson se doutent bien que la cavale de Doc et Carol ne va pas être pavée de roses, et que le récit risque fort de ne pas prêter à rire … C’est que le grand Jim n’était pas connu pour son optimisme et qu’il ne se faisait aucune illusion sur la nature humaine.
Cela se vérifie une fois de plus dans ce récit impeccable, millimétré et glaçant. Le personnage de Doc est particulièrement marquant. Sous des dehors bonhomme et une allure de gentleman flegmatique se cache un tueur sans pitié, une vraie machine qui pourrait préfigurer Parker de Richard Stark. Comme lui il ne tue pas par plaisir, mais n’hésite jamais à le faire si tuer est la solution la plus simple.
Mais là où Stark/Westlake s’amuse à accumuler les obstacles pour avoir à inventer des solutions plus ingénieuses les unes que les autres, chez Thompson les obstacles sont prétextes à révéler chaque fois un peu plus la part de folie et de noirceur de l’âme de ses personnages.
Et je ne vous parle même pas du final, absolument hallucinant. Vraiment un grand roman à (re)découvrir.
Jim Thompson / L’échappée (The Getaway, 1958), Rivages/noir (2012), traduit de l’américain par Pierre Bondil.