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17 octobre 2007 3 17 /10 /octobre /2007 20:54

C’est donc Lorraine Connection de Dominique Manotti qui a eu le prix 813 du meilleur roman policier français pour la période septembre 2006, août 2007. C’est un prix plus que mérité qui récompense un auteur important pour le polar français, et ce depuis son premier et roman Sombre Sentier, qui, pour un coup d’essai, fut un coup de maître.

 

Lorraine Connection tourne autour de l’affaire Daewoo, de son usine de Pondange en Lorraine, et de la bataille entre Matra associé au même Daewoo et Alcatel pour le rachat de Matra. Mais  Dominique Manotti ne se contente pas d’écrire un thriller financier mettant en scène les grands fauves (ou du moins ceux qui aiment se voir ainsi) proches du pouvoir. Peu d’auteurs sont, comme elle, capables de faire cohabiter, dans un même roman, les conditions de vie et de travail d'ouvriers en Lorraine et les manigances de haut vol menées par la grande industrie française lors des achats et fusions. Ils sont encore plus rares à décrire ces deux milieux qui ne se côtoient jamais avec la même vraisemblance, la même précision. Une fois de plus, elle livre un roman impressionnant par sa complexité, mais également sa clarté, par son sens du rythme, la précision et le tranchant de son style, et la mécanique parfaite de sa construction et de son suspens. Un roman qui radiographie le pays, depuis la corruption du pouvoir et les guerres feutrées mais réelles que se mènent nos grands industriels, jusqu'aux conséquences pratiques sur les vies de milliers de victimes. Un roman indispensable et passionnant.

 

Cette clarté dans l’analyse de l’histoire et de ses manipulations, on la retrouve sur son site, dans ses petits billets, et en particulier dans le dernier, où elle revient sur la fameuse lecture de la lettre de Guy Môquet. Comme toujours, imparable et fort éclairant.

 

Mais voilà, bien que fan de Domnique Manotti, j’avais pour ma part voté pour un autre roman français, non pas qu’il soit meilleur, il sont excellents tous les deux, et assez difficiles à comparer, mais comme il fallait en choisir un, il me semblait que son auteur méritait un reconnaissance que Dominique Manotti a déjà.

 

Marcus Malte n’en est pas à son coup d’essai, il publie même avec Garden of love son dixième roman. J’ai commencé à en entendre parler avec la publication de Carnage, constellation, puis La part des chiens. Et je plaide coupable pour n’avoir pas prix, à ce moment là, le temps de le découvrir. J’ai rattrapé mon erreur avec Intérieur nord, recueil très émouvant de quatre longues nouvelles, et surtout avec son dernier : Alexandre Astrid, ancien flic à la dérive reçoit un jour, par la poste, un manuscrit intitulé Garden of love. La lecture lui fait l’effet d’un électrochoc : le texte est un mélange de fiction et d’éléments intimes de sa propre vie. Mattieu et Florence n’aspirent qu’à une chose : mener une vie normale avec leurs trois enfants. Tout semble voler en éclats quand Ariel, qui les a fasciné tous les deux dix ans plus tôt apparaît. Ariel, tout le charme du Diable … Quel est le rapport entre tous ces personnages ? Que veut l’auteur de Garden of love ?

 

Serial killer, personnage mystérieux incarnation du Mal absolu, avec tout le charme irrésistible que l’on prête au Diable, flic à la dérive aux tendances autodestructrices … On pourrait se croire dans le Nième thriller formaté. Erreur ! Rarement la puissance d’attraction vénéneuse du Mal n’a été rendue avec autant de subtilité, de sensibilité, et de poésie. Rares sont les romans qui arrivent à créer une telle tension, une telle curiosité, avec une telle économie de moyens. Peu de bouquins ont réussi à rendre de façon aussi tangible l’effet apaisant d’un morceau de piano ou l’angoisse d’avoir à ouvrir la dernière porte, celle derrière laquelle se trouve se que l’on redoute le plus. Les personnages sont bouleversants, la construction d’une virtuosité étincelante, et le final est à la hauteur des attentes, forcément immenses, que crée le début du roman. Pour finir, un détail, qui vient parachever la perfection de l’œuvre : Zulma a fait un magnifique travail d’édition, et il y a un véritable plaisir sensuel à tenir et feuilleter le roman.

 

Dommage donc pour Marcus Malte, et un grand bravo à Dominique Manotti.

Ci-dessous une photo de Marcus malte prise lors du festival de Frontignan en juin dernier.


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commentaires

G
Cher Jean-Marc, <br /> je suis un lecteur quasi quotidien de votre blog où je puise régulièrement des idées de lecture. Merci donc pour l'ensemble de votre travail et merci surtout de m'avoir donné envie de lire Garden of love. Il s'agit, selon moi, du meilleur roman (noir) français publié depuis longtemps (depuis les âmes grises, peut-être).<br /> Merci donc, mille fois.<br /> Cordialement, Grégory
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J
Merci pour le commentaire, et je suis enchanté de vous avoir donné envie de lire Garden of Love, encore plus enchanté qu'il vous ait plu. Je crois que Folio va rééditer les romans précédents de Marcus Malte dans le courant de l'année prochaine.

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  • : Il sera essentiellement question de polars, mais pas seulement. Cinéma, BD, musique et coups de gueule pourront s'inviter. Jean-Marc Laherrère
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