Encore un beau roman atypique chez Métailié, il nous vient d’Italie cette fois. Vous connaissez la camorra façon documentaire de Gomorra de Roberto Saviano ? Découvrez-la romancée dans L’offense de Francesco De Filippo.
Il ne voulait pas être camorriste Gennaro, jeune homme d’un quartier populaire de Naples. Mais dans ce quartier, quand on a 21 ans, on ne dit pas non à Don Rafele. Et Don Rafele n’est pas seulement le parrain du quartier, c’est un boss, un vrai, une pieuvre avec des tentacules dans le monde entier. Pourtant il est simple Gennaro, il ne se pose pas trop de questions, mais il n’a pas non plus de grandes ambitions : « Moi, je voulais pas tuer, je voulais pas tirer et je voulais casser la gueule à personne, je voulais … je l’ai dit mille fois, je voulais seulement gagner ma vie. »
Alors quand peu à peu il prend conscience du regard des autres, il s’en étonne : « J’étais personne avant, j’étais personne en ce moment et surtout je serai personne à l’avenir. Qu’est-ce que je devais faire ? ». Et puis s’est l’engrenage, inévitable, pour un Gennaro qui, comme il le dit souvent, ne comprends pas grand-chose à ce qu’on lui fait vraiment faire …
Bienvenue dans la tête d’un camorriste malgré lui. Car c’est bien ce qu’est Gennaro, bourreau mais également (et surtout ?) victime d’une organisation criminelle qui noyaute toute la ville. Victime inconsciente parfois, consentante aussi, victime et bénéficiaire.
Un roman tout en contrastes, véritable et permanente douche écossaise. Contraste entre cette langue (superbement rendue par Serge Quadruppani) chaude et la réalité glaçante qu’elle décrit. Contraste entre le côté frustre et simpliste des réflexions du narrateur et la complexité et les ramifications de l’organisation qu’il sert. Contraste entre la fraicheur et l’humanité de ce garçon (malgré ce qu’il voit, subit et inflige) et la cruauté, la violence qui l’entoure. Contraste entre ses aspirations, ses envies qui le rendent très attachant, et le costume de bourreau qu’il endosse.
C’est toute cette complexité que rend ce roman étonnant écrit pourtant dans une langue très parlée, a priori « simple » parce que le narrateur fait avec les mots et les images qui sont à sa disposition.
Un roman qui fait peur, tant l’emprise de la camorra sur Naples y semble définitive, tant elle semble ancrée dans la vie de tous les jours, dans l’ADN de toute une ville serais-je tenté de dire. Certes l’auteur tente un happy end qui est peut-être la seule faiblesse du roman, pour essayer, au moins, d’en sauver un. Mais les autres ?
Vous pouvez compléter cet avis en allant lire l’interview de l’auteur sur Bibliosurf.
Francesco De Filippo / L’offense (Sfregio, 2006), Métailié (2011), traduit de l’italien par serge Quadruppani.