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7 avril 2011 4 07 /04 /avril /2011 21:45

C’est arrivé ! Cela fait deux fois que je vous dit ici qu’un roman de Marin Ledun est passé près de quelque chose de très fort. Cela avait été mon impression avec La guerre des vanités une première fois, et de nouveau avec Zone est (pour d’autres raisons). Et chaque fois je me disais qu’il ne manquait pas grand-chose. Et bien c’est arrivé, il ne manque rien au dernier, Les visages écrasés.

 

Ledun Visages

Valence, une plate-forme téléphonique. D’un opérateur quelconque. Carole Matthieu est médecin du travail. A longueur de journée elle voit défiler ceux qui craquent, qui ne tiennent plus le coup, qui perdent le sommeil, les cheveux, les kilos … Au fil des ordres, contre-ordres, changements de postes, d’objectifs. A cause de la pression d’un management inhumain, lui-même sous la pression d’actionnaires invisibles mais tout-puissants. Carole sait qu’elle ne fait que panser des plaies sans attaquer la racine du mal, qu’elle ne fait que retarder l’inévitable. Alors, pour alerter le monde sur ce qui se passe dans le monde du travail, Carole est prête à tout. Vraiment tout.

 

Et voilà donc, Marin Ledun passe à la vitesse supérieure. Rien à redire à cette charge implacable, à lire de toute urgence. Et ce pour plusieurs raisons.

 

La première est que les romans noirs ayant pour cadre le monde du travail sont suffisamment rares pour que l’on salue Les visages écrasés. J’en oublie certainement, mais je ne vois guère que Dominique Manotti (avec Lorraine connection ou Sombre sentier), François Muratet avec Stoppez les machines !.

 

Ensuite Marin Ledun sait parfaitement de quoi il parle (il est auteur d’un essai sur le thème de la souffrance au travail).

 

Et enfin et surtout, il livre là son roman le plus abouti. Ecrit à la première personne, le roman nous entraîne sans rémission dans la spirale de sa narratrice. Le lecteur étouffe avec elle, enrage avec elle, a envie de hurler avec elle. Pas un seul rayon de soleil dans la descente infernale de Carole Matthieu, pas une bouffée d’oxygène, seulement le stress, la pression, l’horreur. L’enchaînement atroce, de petit renoncement en petit renoncement est parfaitement disséqué, la descente palier par palier, sans possibilité de retour autopsiée.

 

Se pose alors une question. Comment en est-on arrivé là ? Pourquoi n’y a-t-il pas plus de révoltes, de grèves ? Comment la société est-elle arrivé à transformer un mouvement ouvrier uni (relativement uni), solidaire (relativement solidaire), fier de son travail même (et surtout) quand il était insupportable et conscient de son appartenance de classe en cet agglomérat d’individualismes, d’égoïsmes, de désespoir, de gens qui croient tous être du bon côté du manche jusqu'au moment où ils le prennent sur la gueule, et surtout de travailleurs qui rentrent le soir honteux de ce qu’ils ont fait durant la journée ?

 

Vous imaginez bien que je n’ai pas la réponse. Et que Les visages écrasés ne l’apporte pas davantage. Mais ne serait-ce que parce qu’il pose la question, ce roman implacable est indispensable.

 

Marin Ledun / Les visages écrasés, Seuil/Roman Noir (2011).

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6 avril 2011 3 06 /04 /avril /2011 22:04

Fidèle à mes principes, après une semi-déception, hop, retour vers une valeur sure. J’avais raté La vierge de cuir de Joe R. Lansdale lors de sa sortie en grand format. Je me rattrape donc avec sa réédition chez folio.

 

LansdaleRetour d’Irak difficile pour Cason Statler. Il a perdu son boulot de journaliste à Houston, son ancienne copine l’a largué, et les souvenirs de ce qu’il a vu (et fait) en Irak ne le laissent guère dormir. Du coup, il picole une peu plus que de raison.

 

Décidé de repartir à zéro, il accepte un poste de chroniqueur dans le journal de sa ville natale Camp Rapture à l’est du Texas. Pour bien commencer, il choisit d’écrire une série d’articles sur la disparition, six mois auparavant, de Caroline Allison. Cette jeune étudiante en histoire à la beauté renversante s’est littéralement évanouie un soir et, étrangement, peu de gens semblaient la connaître réellement. Cason ne se doute pas que son enquête va mettre le feu aux poudres dans une ville qui n’est peut-être pas si calme qu’il n’y paraît.

 

Autant le dire tout de suite, ce n’est pas le meilleur Lansdale. La description de l’est du Texas présent dans tous ses romans, y est moins fouillée, plus superficielle, même s’il rend bien les tensions religieuses et raciales en arrière plan. On tremble moins pour les personnages que dans Les marécages ou Du sang dans la sciure (auquel il est d’ailleurs fait référence, brièvement) …

 

Mais c’est quand même un Lansdale, avec le minimum garanti à savoir : des dialogues jubilatoires, une histoire qui tient la route, de belles scènes de castagne, de l’humour, de la noirceur, des méchants vraiment méchants … Et donc, comme toujours, on ne s’ennuie pas une seconde.

 

Parmi les bonus de cet opus (joli non ?), le personnage de Booger, psychopathe incontrôlable, ami improbable de Cason qui vient mettre un peu de sel et d’action dans le deuxième partie du roman. Un personnage style Bubba, de chez Lehane, du genre qu’il vaut mieux avoir pour ami, même s’il peut se révéler un ami embarrassant.

 

Bref, un excellent moment de lecture, comme toujours avec cet auteur.

 

Joe R. Lansdale / La vierge de cuir (Leather maiden, 2008), Folio policier (2011), traduit de l’américain par Bernard Blanc.

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5 avril 2011 2 05 /04 /avril /2011 23:01

Je continue à me prendre les pied dans les premiers romans (du moins les premiers romans traduits en France). Et encore une fois, avec un roman que j’ai ouvert bien décidé à l’aimer. Ne serait-ce que parce qu’en général j’aime beaucoup tous les romans publiés en suite italienne chez Métailié. Mais Les âmes noires de Giaocchino Criaco ne m’a pas entièrement convaincu.

 

CriacoIls sont trois bergers calabrais. Même s’ils aiment profondément leurs montagnes et la vie qu’ils y mènent l’été, ils décident de ne pas vivre comme leurs pères. Peu d’opportunités dans cette région. Devenir un piqué (affilié à la `Ndrangheta, la mafia calabraise), ou, envers et contre toute forme d’autorité (de l’état ou de la pègre), se mettre à son compte. C’est ce qu’ils décident de faire. Avec succès. Et dans le sang. Jusqu’à tenir le haut du pavé à Milan où ils ont la main sur le trafic de drogue. Jusqu’à l’inévitable chute.


Dommage. Comme cela arrive parfois j’ai l’impression d’être passé près d’un très grand roman. Parce qu’il y a une écriture. Les descriptions de la vie dans la montagne calabraise sont magnifiques. Apres et lyriques, rendant compte de la beauté et de la rudesse de ce pays et de ses habitants.


Le récit des affaires milanaises, de l’enchaînement des succès, des vengeances, de la chute, fait dans un style beaucoup plus sec et neutre est aussi très réussi.


C’est la structure générale qui me gène. Le manque de liant entre les différents passages très réussis, les ellipses qui font qu’on se perd, qu’on ne sait plus trop qui a fait quoi et surtout pourquoi.


J’ai refermé le roman avec l’impression que l’auteur suppose chez le lecteur une connaissance de la réalité locale qu’il n’a pas, et le perd donc en ne lui fournissant pas quelques éléments de compréhension. Du coup, malgré les fulgurances du texte on décroche, et on ne s’intéresse pas autant qu’on le pourrait à cette histoire et à ses protagonistes.


Dommage.


Giaocchino Criaco / Les âmes noires (Anime nere, 2008), Métailié (2011), traduit de l’italien par Leila Pailhès.

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4 avril 2011 1 04 /04 /avril /2011 21:09

Après une demi déception le mieux est de revenir à du sûr, du solide. En l’occurrence la conclusion d’une série qui, si elle ne changera pas la face de la littérature policière, s’est avérée tout au long de ses titres, solide et bien menée : les enquêtes de Célestin Louise, flic et poilu, créé par Thierry Bourcy. A moins qu’on ne le retrouve dans les Brigades du Tigre, Le gendarme scalpé devrait être sa dernière apparition.

 

Bourcy

Eté 1918, les américains sont arrivés. Les allemands résistent encore mais ont commencé à reculer. C'est alors qu'un gendarme est retrouvé abattu dans une église à l'arrière du front. Abattu et scalpé. Ce qui semble désigner le seul indien de la compagnie américaine du coin. Un soldat qui part seul chasser à la tombée du jour. Mais Célestin Louise, chargé de l'enquête par son commandement ne compte pas s'en tenir aux apparences et va déterrer un vieille affaire. Et montrer une fois de plus que, en temps de guerre comme en temps de paix, l'appât du gain reste un moteur essentiel des actions humaines.

 

Belle conclusion pour une série originale qui a permis à Thierry Bourcy et à son personnage de vivre la grande guerre (et de lui survivre) et d'en explorer toutes les facettes. Une conclusion qui fait la part belle, et c'est justice, à la nouveauté de cette fin de guerre : l'arrivée des troupes américaines.

 

Des troupes américaines décrites au travers du prisme du regard de deux petits français totalement ignorants de ce pays : attrait et fascination, mais également étonnement devant les relations entre blancs et noirs, exotisme de l’indien … Difficile aujourd’hui d’appréhender à quel point, en 1918, les USA étaient une terre totalement inconnue. Difficile mais palpable grâce au roman de Thierry Bourcy.

 

Une fois de plus l’auteur maîtrise son intrigue, l'ancre dans le moment et le lieu choisis, et conclut de belle manière une série fort recommandable.

 

Thierry Bourcy / Le gendarme scalpé, Folio/Policier (2010).

 

PS. Je viens d'apprendre que Thierry Bourcy est en train d'écrire une suite aux aventures de Célestin, retourné dans le civil et intégré aux Brigades du Tigre. Suite mais pas fin donc.

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2 avril 2011 6 02 /04 /avril /2011 17:11

J’ai un problème avec les nouveaux auteurs en ce moment. Greg Olear,  Vilmos Kondor, François Arango … ne m’avaient pas convaincu. Idem pour ces Balles d’argent du mexicain Elmer Mendoza.

 

MendozaEdgar Mendieta est un flic honnête. Ce n'est pas forcément un exploit … Sauf peut-être au Mexique. Alors, pour cela, mais aussi pour beaucoup d'autres raisons plus personnelles, Mendieta est un flic dépressif. Ce qui ne l'empêche pas de prendre à cœur son enquête : l'avocat Canizales a été abattu chez lui. Chose étonnante, tout le monde semblait aimer Canizales, l'adorer même. Il laisse une cohorte de femmes (très belles) et d'hommes (très beaux) éplorés. Tellement que la liste des suspects est sans fin.

 

Ce qui n'aide pas, c'est que parmi eux il y a des proches de grands parrains narcos. De ceux qui tiennent littéralement le pays dans leurs pognes. De ceux que Mendieta abhorre par-dessus tout.

 

Bien entendu j'aurais vraiment voulu m'enthousiasmer pour ce polar. Vous pensez, un nouvel auteur mexicain, un latino, de la famille de Taibo II … Mais je ne peux pas vraiment.

 

Parce que malgré ses qualités, il a aussi de gros défauts (et je rejoins totalement l’avis de Jeanjean). Essentiellement un gros défaut de narration. L'auteur semble peiner à se sortir d'affaire. Et le lecteur peine avec lui. Il est même assez souvent complètement perdu …

 

Alors c'est peut-être voulu, pour refléter le chaos d'une société mexicaine qui a perdu la tête. Mais j'avoue que c'est trop pour moi. Malgré l'humour. Malgré la belle et convaincante description de la main mise des parrains de la drogue sur le pays. Malgré quelques beaux personnages.

 

Dommage, je suis resté perplexe.

 

Elmer Mendoza / Balles d’argent (Balas de plata, 2008), Série Noire (2011), traduit de l’espagnol (Mexique) par Isabelle Gugnon.

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31 mars 2011 4 31 /03 /mars /2011 21:15

Je continue dans le court, un peu plus court même, avec une curiosité, un nouvel auteur argentin publié chez Asphalte. Le roman s’appelle Golgotha, l’auteur Leonardo Oyola et c’est préfacé par Carlos Salem.

 

OyolaBuenos Aires Capitale Fédérale. A l'intérieur de la Général Paz (sorte de semi-périphérique), la ville à prétention européenne. A l'extérieur les villas, bidonvilles qui vivent en marge de la loi de la cité, régies par leurs règles et dans lesquelles les flics sont à peine tolérés. Villa Scasso est une de ces villas. Calavera a réussi à en sortir, il est devenu flic. Lagarto, qui pourrait être son père, l'a pris sous son aile. Mais peut-on vraiment quitter la villa ? Quand deux femmes qu'il aimaient meurent par la faute du caïd de Scasso, Calavera ne peut faire autrement que de les venger, au risque de perdre tout ce qu'il a gagné, et d'entraîner flics et habitants de la villa dans une guerre sans fin.

 

Pour une fois (il fallait bien que ça arrive), je ne suis pas d’accord avec Jeanjean qui visiblement n’a pas du tout accroché. Contrairement à ce qui lui est arrivé, je n’ai pas trouvé l’intrigue approximative, et si la préface de Carlos Salem restitue bien le contexte, j’ai trouvé que le roman se suffit parfaitement à lui-même. Pour moi, Leonardo Oyola est un digne héritier d’Enrique Medina.

 

Avec eux, oubliez le Buenos Aires du tango, des maisons colorées du quartier de la Boca et des antiquaires de San Telmo …

 

Bienvenue dans l'équivalent argentin de l'Enfer brésilien de Patricia Melo. Dans un monde de misère, régi par un code de l'honneur archaïque (mais aussi par les lois du marché), où on se tue pour supporter une équipe de foot de seconde zone, ou pour venger un dealer. Dans un monde où règne la loi du plus fort. Dans un monde que les habitants des beaux quartiers ne veulent absolument pas connaître. Dans un monde où on se recommande à son Saint avant d'aller tuer. Dans un monde où la religion est omniprésente, même si l’on ne respecte guère le commandement « Tu ne tueras point ».

 

C'est tout cela, dans sa sauvagerie, dans son incohérence, dans son désordre, mais aussi dans son énergie brute dont rend compte Golgotha. Ce n'est pas aimable, ce n'est pas agréable, mais il est sans doute difficile, voire impossible d'en parler autrement.

 

Leonardo Oyola / Golgotha (Gólgota, 2008), Asphalte (2011), traduit de l’espagnol (Argentine) par Olivier Hamilton.

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30 mars 2011 3 30 /03 /mars /2011 21:54

Après le choc Winslow il faut changer de style, 220 volts de Joseph Incardona me semblait un bon candidat. Court, thématique a priori très classique, donc une sorte d’exercice de style. Bon choix, c’est parti.

 

IncardonaRamon Hill est un auteur ravi de son succès. Deux bestsellers (des romans d'espionnage) lui ont permis de vivre une vie, non pas luxueuse, mais fort confortable. Seulement voilà, c'est la panne. Alors que son agent attend le suivant de pied ferme, Ramon est complètement coincé à quelques chapitres de la fin. Et il se laisse aller.

 

Ce qui n'est pas au goût de Margot, son épouse, qui s'est habitué à bien vivre. Du coup le couple bat de l'aile. Alors c'est décidé. Ils laissent les enfants chez les parents de Margot et filent quelques temps dans leur maison paumée dans la montagne. La solitude, l'air frais, l'exercice, tout cela devrait décoincer Ramon …

 

A moins que cela ne réveille de vieux démons et que la suspicion ne viennent s'installer …

 

Contrairement à Jeanjean je n’ai pas lu les ouvrages précédents de cet auteur, donc je ne peux pas dire s’il est plus à l’aise sur les courtes distances que sur les longues. Ceci mis à part, je partage son avis. C’est de la bel ouvrage.

 

Du grand classique donc : un couple (ou groupe) isolé, les soupçons, le doute qui monte, les antagonismes qui s'exacerbent … La montée de la tension, jusqu'au drame. Puis son dénouement. Très classique, et très efficace quand c'est bien fait. Et Joseph Incardona le fait bien.

 

Bien que sachant plus ou moins où il va arriver, le lecteur se fait prendre, et surprendre. Et l'auteur lui réserve quand même quelques surprises, au moment où il s'y attend le moins. Du bon boulot. Alors certes on n’a pas là un roman qui va révolutionner le genre, ou qu’on citera spontanément dans les 10 grands romans qui nous ont marqué. Mais il se lit avec un très grand plaisir et on ne s’ennuie pas une seconde. C’est déjà pas mal non ?

 

Joseph Incardona / 220 volts, Fayard/Noir (2011).

 

PS. Pour comprendre le titre de mon billet, faut lire le roman.

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29 mars 2011 2 29 /03 /mars /2011 22:32

Pour les toulousains une annonce :

 

Toulouse Polars du Sud reçoit

MARIN LEDUN à la librairie de la Renaissance

Métro Basso Cambo

mardi 5 avril à 18 h 30


Pour de plus amples renseignements c’est facile, c’est sur le blog de TPS.

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28 mars 2011 1 28 /03 /mars /2011 22:08

De temps en temps on lit ici ou là que le polar américain serait en chute libre, que le centre de gravité c’est déplacé en Europe, qu’il n’y a plus rien de neuf de l’autre côté de l’Atlantique. Ben mon colon, il est encore vert le mourant ! Depuis le début d’année on a eu Ron Rash et son extraordinaire Serena, le toujours excellent Pelecanos, le nouveau Ken Nunn, on attend un Dennis Lehane et un James Lee Burke … Et là, tout de suite, vous allez vous prendre Savages, le dernier Don Winslow en pleine poire.

 

Winslow

Ils sont trois, inséparables.

 

Ben, le bon, génie de la botanique, devenu richissime en cultivant la meilleure herbe de Californie du Sud. Dans ses nombreux moments perdus Ben sillonne le tiers-monde pour améliorer le sort des plus malheureux.

 

Chon, la brute, ex soldat d’élite, ancien d’Irak, de Truckistan, spécialiste es maniement de toutes sortes d’armes.

 

Avec eux, O, pour Ophélia, gamine un peu paumée, pas mal cinglée, fille d’une bourgeoise liftée et républicaine typique de la Californie du sud. O qui aime faire les boutiques et manger. Et O aime le sexe, surtout avec ses deux hommes Chon et Ben. Jusque là tout va bien.

 

Mais, et c’est là qu’interviennent les truands. Le cartel de Baja California (BC) veut imposer à Ben de passer par eux pour vendre son produit haut de gamme. Ben qui ne veut pas en entendre parler. Donc c’est la guerre.

 

Tous ceux qui fréquentent ce modeste blog ont lu La griffe du chien. Ou sont en train de le lire, ou ont prévu de le lire. De toute façon vous savez déjà que Don Winslow est un grand, un très grand du polar. Il le confirme ici de façon éclatante. Une véritable gifle.

 

Pas un seconde de répit tout au long des 290 chapitres qui claquent, secs comme des coups de trique. Don Winslow prend d’emblée le lecteur aux tripes, le secoue sans pitié, et le laisse sonné à la dernière phrase. Des phrases déconstruites, reconstruites, mots déconstruits et reconstruits, tout cela pour atteindre une écriture rythmée, scandée, hypnotique qui dresse le portrait sans concession d’un monde sans pitié. La griffe du chien décortiquait la montée au pouvoir des cartels de la drogue mexicains, avec l’aide bienveillante de la CIA et de l’église. Savages nous jette à la figure le résultat.

 

Et il n’a rien de réjouissant. Fini les doux glandeurs de la Patrouille de l’aube, fini le surf, l’attente de la vague avec les amis de toujours. Le monde n’est pas gentil, ou améliorable, comme voudrait le croire Ben, il est impitoyable, comme le sait Chon :

 

« Chon avait toujours su qu’il existait deux mondes distincts :

Les sauvages.

Et les moins sauvages.

Le sauvage est le monde du pur pouvoir primitif, survie des mieux adaptés, cartels de la drogue et brigades de la mort, dictateurs et hommes demain, attaques terroristes, guerres des gangs, haines tribales, assassinats de masse, viols de masse.

Le moins sauvage est le monde du pur pouvoir civilisé, gouvernements et armées, multinationales et banques, choc et effroi en écrasant l’adversaire par une puissance de feu très supérieure, mort-venue-du-ciel, génocide, viol économique en masse.

Et Chon sait que …

C’est le même monde. »

 

Bienvenue dans le monde de Chon. Une véritable gifle donc. Et malgré l’horreur, malgré la trouille, on ne peut pas lâcher le bouquin jusqu’à l’apocalypse finale que l’on sait inévitable.

 

J’oubliais, parce que je suis encore sous le choc … Savages est une sorte de mélange entre La griffe du chien pour la thématique et la violence qui vous arrive en pleine figure, et des romans plus coooooool et drôles que l’auteur car, en plus, dans la première partie, il y a de l’humour, essentiellement autour des relations entre O et le reste du monde en général, et sa mère (complètement cintrée) en particulier.

 

Mais à la fin on ne rit plus. Plus du tout.

 

Magistral.

 

Don Winslow / Savages (Savages, 2010), Le Masque (2011), traduit de l’américain par Freddy Michalski.

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27 mars 2011 7 27 /03 /mars /2011 22:49

Le polar qui un temps (lointain aujourd’hui) semblait réservé aux pays anglo-saxons et à la France est maintenant partout. J’avais évoqué il y a quelques temps un polar péruvien, voici chez Métailié Il pleut sur Managua de Sergio Ramírez, un polar nicaraguayen comme son titre l’indique.

 

RamirezL'inspecteur Morales est un ex guérillero sandiniste devenu flic anti drogue de Managua. Avec l'aide de son vieux compagnon d'armes Lord Dixon, et d'une femme de ménage qu'il a également connue dans le maquis il va traquer ceux qui ont abandonné un yacht à Laguna de Perlas. Un yacht sur lequel des traces de sang ont été trouvé. Un yacht qui ressemble beaucoup à ceux dans lesquels se pavanent les caïds des cartels de la drogue mexicains et colombiens quand ils viennent se reposer au Nicaragua. Avec la bénédiction de quelques huiles parmi les plus haut placées de la République. Mais Morales ne s'est pas battu contre le clan Somoza pour laisser des parrains de la drogue faire la loi dans son pays.

 

Je ne vais pas vous mentir et crier au génie, juste parce que c’est le premier polar nicaraguayen qui me tombe entre les mains. Non, pour sortir vraiment du lot il lui manque ce petit quelque chose, souvent indéfinissable, qui fait qu’on a envie de convaincre tous les gens qu’on connaît de lire un bouquin.

 

Mais même s'il ne fait pas crier au génie, voilà un polar très recommandable.

 

Parce que l'histoire se tient et que les personnages sont convaincants. Parce que l'écriture sait rendre le déluge d'une pluie d'été sur Managua, les torrents d'eau qui transforment les rue en rivières, la vitalité, les cris, les odeurs d'une rue envahie de marchands, la misère à la fois désespérée et exubérante d'un bidonville.

Et surtout parce que les polars nicaraguayens sont rares (si ce n'est pas le premier), et que l'auteur décrit très bien un pays contrasté, où le religiosité la plus extravagante et la plus envahissante côtoie le léninisme des anciens combattants qui ont renversé Somoza ; où les références à la Révolution sont permanentes, au côté des symboles les plus clinquants de la société de consommation impérialiste yanquie (style casinos à la Las Vegas et centres commerciaux) ; où il restent des serviteurs de l’état qui croient dans les valeurs qu’ils ont défendues les armes à la main, face à la religion du « tout pour le fric tout de suite » …

 

Bref, un roman fort intéressant pour un pays étonnant. Espérons que c'est le début d'une série ...

 

Sergio Ramírez / Il pleut sur Managua (El cielo llora por mí, 2008), Métailié (2011), traduit de l’espagnol (Nicaragua) par Roland Faye.

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