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25 octobre 2011 2 25 /10 /octobre /2011 22:19

Qui pourrait écrire un polar dont un des personnages principaux est … le roi d’Espagne ? Encore mieux, qui serait capable d’en faire un personnage émouvant, drôle, attachant sans tomber dans le pastiche, le foutoir à la Casino Royale ou le machin agiographique illisible ? Personne ? Si ! Carlos Salem, l’homme capable de ressusciter Carlos Gardel revient, et revient fort avec Je reste roi d’Espagne.

 

SalemJosé Maria Arregui est détective privé à Madrid. Avant il était flic, et même bon flic, mais depuis que sa fiancée est morte, assassinée sans qu'il ne puisse rien y faire, il a quitté la police et a monté une agence avec un ami. Il s'apprête, une fois de plus, à ruminer sa déprime pendant les fêtes de Noël quand il est contacté le ministre de l'intérieur : le roi a disparu depuis plusieurs jours, sans donner de nouvelles, et seul Arregui qui lui a sauvé la vie cinq ans plus tôt peut le retrouver. Commence alors une errance poétique entre Portugal et Castille. Poétique mais aussi animée car si Arregui veut retrouver le roi pour le ramener chez lui, certains semblent vouloir lui faire la peau.

 

Quel beau personnage que ce roi. Plus cool qu’un personnage d’Elmore Leonard, pas maniéré pour un sou ! D’ailleurs, voilà comment se passe la rencontre :

 

 

« - Bonsoir, Arregui,

Et je réponds :

- Bonsoir, roi. »

 

Et nous voilà dans un Carlos Salem pur jus, dans la lignée délirante, poétique, humaine, nostalgique et drôle de Aller Simple.

 

Cette fois, durant toute la première partie, Arregui et le roi se promènent dans une Espagne rurale où le temps semble s'être arrêté, où on paie toujours en pesetas, où on homme parti trente ans auparavant ne surprend personne en revenant d'un coup. On y croise des personnages qui pourraient s'être échappés du désert marocain du précédent roman : un compositeur qui cherche au volant d'une Rolls une symphonie égarée ; un prophète capable de voir le passé ; une brebis monarchiste …

 

On y voyage surtout en compagnie d'un roi d'Espagne terriblement simple, humain et attachant. Terriblement patient aussi, car Arregui n’est pas toujours facile à vivre. C’est beau, nostalgique, poétique, parfois effrayant et très souvent drôle. C’est émouvant comme un tango, ça serre la gorge comme un fado, c’est plein de saudade …

 

Puis on se retrouve à Madrid en compagnie … Soldati et Rincon, les deux personnages d'Aller simple. Et tout s’accélère, en musique et en castagne, dans un feu d’artifice mexicano-argentin, où les rancheras tiennent la dragée haute aux tangos. Comme Arregui semble en difficulté, un certain Paco Taibo II vient prêter main forte, les méchants morflent, le héros sauve l’Espagne et l’amour triomphe ! Viva !!

 

Ajoutons que, mine de rien, cela dit beaucoup de choses plus profondes qu’il n’y parait sur la responsabilité, la peur de vieillir, l’amour, l’amitié, le doute, la trahison, le pouvoir … Après ça, si vous ne vous précipitez pas pour l’acheter et le lire, je ne sais plus quoi faire …     


Carlos Salem / Je reste roi d’Espagne (Pero sigo seindo el rey, 2009), Actes Sud (2011), traduit de l’espagnol par Danielle Schramm. 

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23 octobre 2011 7 23 /10 /octobre /2011 15:33

J’avais laissé passer un Charlie Parker, pas le saxo, le privé de John Connolly. J’ai réparé mon erreur et ai fini par lire L’empreinte des amants.

 

Connolly amants

Charlie Parker c'est vu retirer sa licence de privé, ce qui le cantonne à un boulot de barman. Jusqu'au jour où il décide d'enquêter sur sa propre famille. Quelques temps auparavant Le collectionneur, sinistre personnage qu'il a croisé en des circonstances pénibles lui a suggéré qu'il n'était pas vraiment le fils de ses parents. Et a vaguement parlé de la mort de son père.

Un père flic sans histoires qui, alors que Charlie avait quinze ans, a abattu sans raison apparente deux adolescents avant de se suicider. Charlie décide de fouiller son passé, au risque de mettre à jour des secrets dérangeants. Et de s'attirer les pires ennuis.

 

Plus on avance dans les aventures de Charlie Parker, plus le côté fantastique est marqué, et plus on approche de sa véritable nature. Cet épisode est particulièrement intime, plus introspection qu'enquête extérieure.

 

Plus intime, mais avec le même sens de l'intrigue, le même humour, la même qualité d'écriture, la même facilité à mélanger d’une façon qui semble naturelle et évidente enquête policière classique et éléments fantastiques. Et on retrouve toujours avec le même plaisir Angel et Louis, leur humour, leur violence imprévisible.

 

Bref, si vous voulez un thriller palpitant, bien écrit, avec de vrais personnages et une vraie histoire, sans oublier une belle description de l’Amérique d’hier et d’aujourd’hui, lisez John Connolly.

 

John Connolly / L’empreinte des amants (The lovers, 2009), Pocket (2011), traduit de l’anglais (Irlande) par Jacques Martichade.

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20 octobre 2011 4 20 /10 /octobre /2011 20:39

En attendant le retour Sandokan (en cours de traduction), voici un petit recueil de textes militants et imaginaires et drôles et revendicatifs et … Cela s’appelle Irapuato mon amour, et c’est signé Paco Ignacio Taibo II.


Taibo irapuatoRecueil assez hétéroclite où l’on trouve de très courts textes (de deux pages) comme deux récits de grèves plus longs et plus complets, où certains textes sont très drôles et très taiboesques, d’autres un peu plus anecdotiques (ils auraient pu ne pas figurer sans nuire à l’ensemble). Le tout n’est pas exempt de défauts (et en particulier un manque criant de relecture et donc pleins de fôtes, quelques mots manquants, quelques parenthèses non refermées …), mais surtout ne manque pas de qualités !


Car on retrouve la verve, l’enthousiasme, l’humanité, l’imagination, l’engagement … de Taibo. Et surtout son talent. Le même recueil écrit par un autre aurait pu être un abominable pensum, plein de vérités assénées, de leçons de morale, de bons sentiments, de harangues indigestes.


Et là non, cela reste du Taibo, cela reste le Mexique de Taibo. Donc on y croise :

une bande d’ouvriers qui se mettent des peintures d’apaches pour intimider le patron et revendiquer leurs droits

une mamie qui menace un homme armé avec son couteau à peler les oignons

un cariste qui découvre que d’un certain côté de la cour, il a une vue intéressante sur le bureau d’une secrétaire

une partie de dominos mythique

un hommage appuyé à Carlos Santana

la reprise d’un excellent texte sur l’Araignée


Bref de la vie, de l’engagement, des formes de lutte pour le moins originales (j’ai une préférence marquée pour les tracs signés « L’araignée »), une énergie communicative, une ode au courage des humbles et surtout un rage de ne jamais baisser les bras, même (et surtout) quand le rapport de force est de 100 contre 1 …


A lire donc, malgré ses quelques défauts, pour récupérer de l’énergie, des idées, de l’inspiration, et pour le plaisir.


Paco Ignacio Taibo II / Irapuato mon amour et d’autres histoires vécues dans des usines (Doña Eustolia blandió su cuchilo cebollero y otras historias que pasaron en algunas fábricas, 1981, 1983), L’atinoir (2011), traduit l’espagnol (Mexique) par Jacques Aubergy.

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19 octobre 2011 3 19 /10 /octobre /2011 11:23

Camilleri intermittenceTient un bouquin d’Andrea Camilleri sans Montalbano ! Et qui se passe même pas en Sicile !! Allons donc voir cette Intermittence.

 

Les loups ne se dévorent pas entre eux, les industriels oui. Dans le nord de l’Italie c’est la guerre, feutrée (à peine) entre les patrons de La Manuelli. Il y a le fondateur patriarche, dit le Vieux ; son fils Beppo, un incapable ; le directeur, De Blasi, un véritable requin … Il y a aussi des femmes trompées et humiliées, quelques barbouzes, un gigolo, un sénateur plus ou moins pourri. Bref, tout est en place pour que ça pète.

 

Et les ouvriers dans tout ça ? Quantité négligeable.

 

Ce n’est pas un grand Camilleri. Mais c’est un Camilleri quand même.

Donc on n’a pas les colères de Montalbano, ni l’écriture imagée et épicée de sicilien. Mais il y a toujours la patte du maître, son talent pour croquer les portraits, la vivacité de sa plume, les coups de griffes réjouissants aux puissants, de beaux portraits de femmes, et une intrigue pleine de rebondissements et de chausse-trappes.

 

On sent qu’il s’est amusé à écrire un vaudeville et à le mettre en scène dans le milieu des grands patrons d’industrie, avec ce qu’il faut de sensualité et de méchanceté. J’ai un peu ramé dans les premières pages pour me souvenir de « qui est qui », mais après un ou deux chapitres c’est parti, et parti à fond pour un vrai moment de plaisir.

 

Andrea Camilleri / Intermittence (L’intermittenza, 2010), Métailier (2011), traduit de l’italien par Serge Quadruppani.

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17 octobre 2011 1 17 /10 /octobre /2011 22:47

C’est grâce à l’ami Holden que j’ai pu lire ce nouveau petit roman de François Barcelo dont j’avais beaucoup aimé les série noire (Cadavres, Chiens sales et L’ennui est une femme à barbe). Merci donc pour ce réjouissant J’haïs le hockey.

 

Barcelo.jpg

Antoine donc hait le hockey. Ce qui n’est pas facile à porter quand on est québécois. D’autant plus que ce n’est pas une détestation tiède :


« J’haïs le hockey !

J’y ai joué juste assez pour savoir que je suis le plus nul des joueurs. Et j’en ai vu juste assez pour savoir que c’est le plus nul des sports. »


Voilà donc un bon point de départ quand sait qu’Antoine, la quarantaine, en instance de divorce est appelé au dernier moment pour être le coach de l’équipe de son ado de fils lors d’un déplacement. Malgré ses réticences, parce qu’il n’a rien à faire et qu’il n’est pas particulièrement dynamique (même pour dire non il manque d’énergie !) Antoine finit par accepter. Bien entendu, il sera un coach pathétique, mais surtout, il va découvrir que son prédécesseur a été assassiné ; entre autres découvertes qui vont l’amener à se poser beaucoup de questions sur son fils …


C’est un peu court, on en aurait bien repris quelques pages de plus … Mais pas de doute, c’est bien du Barcelo, même si le final est plus noir et grinçant que ce que j’avais lu précédemment.


Du Barcelo ça veut dire une écriture gouleyante, de l’humour noir, des histoires déjantées et des personnages de paumés, minables pathétiques et pourtant incroyablement attachants.


Et on a bien tout ça ici. Avec une mention spéciale pour un looser particulièrement gratiné. Pauvre Antoine qui ne comprend rien à rien, se fait chaque fois des films plus tordus et invraisemblables les uns que les autres et provoque, avec une bonne volonté touchante, catastrophe sur catastrophe.


C’est lu en deux temps trois mouvements, on se régale, on sourit beaucoup, on compatit. Et au final … Mais je n’en dirai pas plus pour vous laisser la surprise.


François Barcelo / J’haïs le hockey, Coup de tête (2011).

 

PS. Je sais, j'ai classé à polars français et c'est québécois ... Il faudra que je crée une catégorie de plus.

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16 octobre 2011 7 16 /10 /octobre /2011 21:37

Voici donc la suite de Voleurs d’encre, polar historique très riche et très érudit de l’espagnol Alfonso Mateo Sagasta qui revient avec La chambre des merveilles, un polar tout aussi riche et un peu plus accessible à ceux qui, comme moi, ne sont pas forcément spécialistes de la littérature espagnole de l’âge d’or.

 

SagastaEn ce début de XVII° siècle les affaires d'Isidoro Montemayor, rencontré dans Voleurs d'encre, vont plutôt bien. Son amante la comtesse doña Micaela est belle, jeune, veuve et riche. Et elle va l'introduire auprès de son oncle, le marquis de Hornacho, richissime collectionneur dont l'archiviste vient d'être assassiné. C'est ainsi qu'Isidoro se retrouve tout les jours dans la chambre des merveilles du marquis, lieu ahurissant où les livres les plus rares côtoient les cornes de licornes et les crocodiles empaillés.

 

Les choses se gâtent quand il s'avère que le marquis a l'intention de lui confier un travail titanesque et surtout quand Isidoro découvre quelques pièces peu connues des visiteurs et certains hôtes, pour le moins étonnant de son nouveau maître. Et puis, reste une question. Que cherchait l'assassin de son prédécesseur ? Et s'il revenait ?

 

Revoilà donc le personnage central de Voleurs d'encre, revoilà surtout le Madrid de l'âge d'or. Si les personnages sont forts bien construits, et l'intrigue menée avec le plus grand sérieux (ce qui pêche souvent dans les mauvais polars historiques), une fois de plus c'est la reconstruction de ce Madrid de l'âge historique qui est le personnage principal du roman. Voleurs d’encre nécessitait, pour en saisir toutes les subtilités, une connaissance approfondie de la littérature classique espagnole, ici j'ai moins eu l'impression (peut-être à tord) de passer à côté de choses que je ne comprendrais pas.

 

Et je me suis régalé. Car la plume d’Alfonso Mateo Sagasta est aussi alerte que l'esprit de son personnage et parce que la description de la société madrilène est à la fois rude et savoureuse.

Rude dans la crudité des rapports sociaux de ce monde où quelqu'un qui n'est pas noble ne compte pas vraiment, et est à peine considéré comme humain. Rude dans le traitement de ces « monstres » que le marquis collectionne (on pense bien entendu à Elephant Man). Rude dans la description du poids de l’église et de l’inquisition.

 

Et savoureuse et sensuelle dans cette évocation où textures, odeurs, goûts et bruits concourent à rendre la richesse de l'ambiance. On a envie, avec Isidoro, de glisser la main dans la manche béante de son amante, on goûte un fruit confit, on sent (malheureusement) l’odeur de la mort et de la crasse … Avec une mention spéciale pour la description de la médecine de l'époque et en particulier (avec la médaille d’or toutes catégories !) une méthode inédite pour tenter de faire revenir à eux les noyés. Je n’en dirai pas plus, il vous faudra lire le roman pour la découvrir …

 

Alfonso Mateo Sagasta / La chambre des merveilles (El gabinete de las maravillas, 2006), Rivages/Thriller (2011), traduit de l’espagnol par Denise Laroutis.

 

PS. A l’occasion, rivages réédite en poche le précédent roman.

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13 octobre 2011 4 13 /10 /octobre /2011 21:16

Voici venir les premiers commentaires sur des bouquins achetés au salon TPS du week-end dernier. En commençant par la vraie découverte pour moi, le superbe carnet de voyage Viva la vida de Jean-Marc Troub’s et Edmond Baudoin.


Viva la vidaCiudad Juarez. Depuis 1993 des centaines de femmes ont été violées, torturées et tuées, en toute impunité. On peut se faire une idée de l’affaire en allant voir le web documentaire de Marc Fernandez et Jean-Christophe Rampal, ou en lisant leur bouquin. On peut aussi lire le roman très dur (et très fort) de Patrick Bard, La frontière.


Jean-Marc Troub’set Edmond Baudoin ont choisi une autre approche. Ils sont parti à Ciudad Juarez avec leurs carnets à dessins, leurs crayons et pinceaux, et ont proposé un marché aux gens qu’ils croisaient dans la rue, dans les bars, dans les bus, dans les maquiladoras : Ils faisaient leur portrait, le leur offrait et leur demandait en échange quel était leur rêve. Le soir, à partir d’esquisses et de photos, dessin et rédaction du carnet de voyage. Et c’est ce carnet que vous avez dans les mains.


Le résultat est étonnant. Très beau pour commencer avec ses planches qui alternent portraits serrés et vues d’ensemble, images de rues et paysages désolés, scènes de vie intenses dans un bar, une classe ou une fête et désolation de la mort quand ils relaient les gros titres des journaux …


Très émouvant aussi dans cette permanente coexistence d’un environnement incroyablement violent où la mort frappe quotidiennement en toute impunité et d’une vitalité et d’une « normalité » étonnantes. Etonnant (ou pas) de voir comme les rêves des habitants de Ciudad Juarez sont les mêmes que les nôtres, comme on peut profiter de la moindre éclaircie pour voir des amis, aimer, faire de la musique, lutter, espérer …


Le parfait complément des romans et essais précités, salué à juste titre par Taibo le week-end dernier comme une œuvre éminemment politique, au sens noble du terme, dans sa façon unique de donner la parole à ceux qui souffrent sans jamais imposer au lecteur (et aux témoins interrogés) le moindre discours, ni moralisateur, ni compassionnel ; encore moins condescendant.


A noter la préface signée … Paco Ignacio Taibo II. Et vous pouvez aller sur le blog que les auteurs ont dédié à Viva la vida.


Edmond Baudoin et Jean-Marc Troub’s / Viva la vida, L’association (2011).

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12 octobre 2011 3 12 /10 /octobre /2011 23:11

Bonsoir,

 

Attention danger pour les librairies indépendantes sur le net. Bernard de Bibliosurf trouve que la situation se dégrade. Il alerte ses lecteurs et clients ici.

 

Demain je vous cause de Viva la vida de Troub’s et Baudoin.

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11 octobre 2011 2 11 /10 /octobre /2011 23:05

Avec un peu de temps pour décanter et écrire, mon bilan à moi, très personnel, très subjectif, de ce troisième TPS.

 

En commençant par une info qui a son importance. C’est Empereur des ténèbres de Ignacio del Valle qui a obtenu le premier prix Violeta Negra.

Ignacio Del Valle, prix Violeta Negra

Je ne sais pas si le public était au rendez-vous, j’ai été complètement accaparé par les différentes rencontres, sur place et à l’extérieur, nos amis libraires nous dirons cela dans quelques jours.

 

Par rapport à l’an dernier, le défaut constaté : trop d’auteurs et donc des auteurs pas assez mis en valeur a été corrigé, me semble-t-il. Beaucoup d’auteurs sont passés en tables rondes, et les débats plus intimes permettant de présenter un auteur ont eu l’air de bien marcher (retour très positif des copains qui animaient).

Comme toujours, la tristesse des annulations de dernière minute, encore Massimo Carlotto, et au dernier moment, faute à pas de chance, Jeronimo Tristante et Nadine Monfils.

 

Et comme toujours beaucoup de plaisir.

 

Avec la confirmation Paco Taibo II  est un grand, un très grand, et une bête de scène et de débats. Vu côté animateur, mais aussi vu de la salle, il a un impact, une passion, une rhétorique qui captent immédiatement l’attention et marquent les esprits. Ainsi qu’un humour, une pertinence et une rapidité d’analyse qui font que tout ce qu’il dit est passionnant, et qu’en plus c’est dit avec une force toujours étonnante. La difficulté est de trouver qui mettre à la table avec lui …

 

Taibo

 

Le premier soir, bingo. Carlos Salem est lui aussi un champion de débats. Et cela faisait trois semaines qu’ils se retrouvaient tous les deux régulièrement ici et là. Autant dire que le numéro était rodé … Bingo encore, Raul Argémi et Guillermo Orsi étaient au diapason. Il faut dire que tous ces auteurs se connaissent, se fréquentent et s’apprécient. Et qu’ils sont très forts pour savoir ce qui va faire réagir le voisin, comment l’esquisse d’un tango va provoquer la réaction mexicaine … Et ça marche d’autant mieux que le modérateur Sébastien Rutès les connait aussi parfaitement, et sait ce qui va faire prendre la sauce. A posteriori, la question du réalisme dans les polars latino-américain était LA question à poser … Un grand numéro, à la fois rodé et spontané, hilarant et passionnant … Reste au traducteur à s’accrocher.

 

Salem - Taibo - Argemi - Orsi - Rutès

 

De nouveau Taibo dans les deux débats autour de Ciudad Juarez. Là aussi, connivence totale, entente impressionnante … Il s’est passé trente cinq minutes avant que je ne reprenne (presque de force) la parole pour ma deuxième question, et pour laisser le micro, un peu, à Jean-Marc Troub’s, le réservé de service qui n’avait pas encore ouvert la bouche. Mis à part l’intérêt d’écouter quatre débatteurs passionnants qui connaissent parfaitement le terrain, une chose m’a frappée. Aucun n’essaie de mettre en avant son travail, chacun parle presque davantage de l’aide qu’il a reçu des autres, de l’originalité du boulot des autres, et cela sans que ce soit, jamais, un renvoi d’ascenseur intéressé. Il fallait entendre Paco dire combien le travail de Troub’s et Baudoin est politique, au meilleur sens du terme, il fallait l’entendre remercier ces trois français de venir s’intéresser à ce qui se passe au Mexique … Un vrai bonheur. Un bonheur également cette habileté à déplomber une atmosphère qui pouvait devenir pesante par un trait d’humour, ou cette façon, quand l’heure approche, de trouver l’angle d’attaque qui permet de conclure, de façon évidente et passionnée par un appel à la révolte et une lueur d’espoir.

 

Troub's - Patrick Bard - Taibo - Sébastien Rutès 01

 

Un bonheur qui me donne aussi l’occasion de remercier le public polar. Un public qui vient voir les auteurs, les entendre, les questionner. Et ce n’est pas le cas de tous les publics. Le dimanche matin, projection du film de Marc Fernandez au cinéma Utopia et débat avec le public et les mêmes auteurs. J’aime beaucoup les cinémas Utopia. Je suis plutôt de gauche (n’est-ce pas ?) je crois être plutôt pour l’égalité hommes-femmes … Mais bordel de Dieu, il y a des gauchistes et des féministes qui vous donnent envie de voter à droite et de renvoyer les femmes à la maison. J’avais oublié ce public de convaincus, engagés et clamant leur engagement, d’autant plus virulents que leur « cause » est pointue, et qui ne sont pas venus pour écouter ceux qui sont sur la scène mais pour raconter tout ce qu’ils savent et vendre leur soupe ! En gros, deux questions intéressantes et un fatras de témoignages vertueusement indignés, qui comportaient beaucoup plus de « moi je » à la forme exclamative que de « vous » à la forme interrogative. Sans compter le reproche de la féministe de service : Il n’y avait que des hommes parmi les intervenants ! Un scandale !! Promis, la prochaine fois Taibo met une jupe. Si j’arrive à le convaincre. Parce qu’il n’était pas vraiment partant. Bref tout ça pour dire, lecteurs de polars, habitués des débats littéraires, vive vous, et vive nous !

 

A part ça, quelques grands moment sans Taibo, parce qu’il y en a eu aussi.

 

Thomas Cook et sa traductrice

 

Thomas Cook passionnant dans la table ronde « secrets de famille », expliquant comment aux US tout problème doit être caché, car un américain EST HEUREUX, par définition. Donc tout drame est honteux, et doit surtout être caché à la communauté. Comment aussi dans les communautés puritaines la faute d’un individu rejaillit sur la communauté entière. Ce qui fait que tout manquement intime, familial, entache la société, et cela implique une pression énorme de toute cette société pour punir ce manquement.

 

Nick Stone

 

Nick Stone adorable, drôle, racontant des anecdotes sur une de ses tantes, secrétaire de Duvalier père, comment après avoir été témoin d’une scène atroce entre papa Doc et les chefs macoutes elle allait travailler avec une bouteille d’eau bénite et une bible, mais aussi un fusil, au cas où les deux premières armes se révèlent insuffisantes.

 

Valerio Evangelisti

 

Valerio Evangelisti impérial expliquant que ses livres ne sont pas faits pour changer la vie de ses lecteurs, et qu’au contraire, ce sont ses lecteurs qui changent sa vie à lui en achetant ses livres. Expliquant aussi (la thématique était « dans la peau d’un salaud ») qu’il n’avait rien à dire aux gens pour les inciter à lire ses bouquins et que s’ils avaient plaisir à lire les horreurs qu’il écrit, c’était eux, pas lui, qui avaient un problème. Le tout en gardant un sérieux imperturbable, long, mince, Don Quichotte pince sans rire italien au français parfait.

 

Claude Mesplède

 

Le discours de notre Président avec un grand « P ». Toujours enthousiaste, toujours enthousiasmant, un discours pourtant très certainement terminé au petit matin, au tout dernier moment (j’espère que TPS va le mettre en ligne sur le blog).

 

Quelques grands moments de rigolade à table, et pendant les quelques moments de calme. Et les autres débats auxquels j’ai assisté. Je ne me suis pas ennuyé une seule seconde. Merci à tous, auteurs, bénévoles, visiteurs …

 

Bref, on ne pourrait pas faire ça tous les jours, mais dès que c’est fini il tarde que ça recommence.

 

J’ai mis en ligne quelques photos, c’est tout en bas à droite, l’album TPS 2011, et merci à Christelle pour les photos des tables rondes que j’animais.

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10 octobre 2011 1 10 /10 /octobre /2011 22:46

Me revoilà, pour parler bouquin avant de vous faire un compte-rendu plus détaillé de TPS. Je vous l’avais promis, je tiens mes promesses moi. Voici donc le très attendu Le Bloc de Jérôme Leroy, un roman qui ne va pas manquer de susciter des commentaires éclairés et pertinents de gens … qui ne l’auront pas lu.


LeroyLa politique sécuritaire à coup de CRS et de contrôle au faciès, le délitement programmé et encouragé du lien social, les couplets répétés sur le communautarisme et le choc des civilisation, la crise acceptée pour ne pas dire encouragée par une classe politique qui, au mieux ne comprend rien, au pire a tout intérêt à ce que les choses aillent de plus en plus mal … Tout cela finit par avoir un effet prévisible : les zones les plus pauvres sont devenus des zones de guerre, la répression, les affrontements amènent leur lot de morts et la droite au pouvoir, paumée, accepte de faire rentrer des ministres du Bloc au gouvernement.


Durant la nuit de négociations, Antoine, mari d’Agnès Dorgelles, présidente du Bloc, fille du vieux président historique, boit, et se souvient. Comment il est passé à l’extrême droite, comment il est monté dans l’appareil du parti … Il se souvient surtout de son amitié avec Stanko. Stanko qui cette nuit est traqué. Stanko, ancien skin, violence à fleur de peau, devenu le grand patron des services de sécurité du Bloc et qui, en cette nuit de négociations, est devenu imprésentable pour un parti qui accède à la respectabilité. Stanko qui doit donc mourir et est traqué par les nervis qu’il a lui-même formés.


On va commencer par se débarrasser des bêtises.


Et pour commencer mon allergie au mot improbable. Arrrrgh, Jérôme, pas toi, pas toi le coup de « la robe improbable » !! Je suis poursuivi !! Je ne saurais plus dire où il est ce putain d’adjectif, mais je suis certain de l’avoir vu !!!


Venons-en au « problème » des personnages. Oui, il y a beaucoup de Jérôme Leroy dans Antoine. Horreur, malheur ! De la sympathie pour un facho ? L’auteur serait-il passé à l’extrême droite ? C’est quand même très con comme question non ? Quand Marcus Malte écrit du point de vue d’un transsexuel dans Carnage constellation, personne ne va vérifier s’il a toujours ses joyeuses, quand Don Winslow nous met dans la tête d’un narco mexicain, la DEA ne l’arrête pas, quand Valerio Evangelisti nous plonge dans la tête de la pire pourriture jamais présentée sur la page blanche, Eddie Florio, personne ne se demande s’il est violeur, traitre, tueur … Alors pourquoi, juste parce qu’Antoine et Stanko ne sont pas des brutes monolithiques, inhumaines, incultes et abruties se demanderait-on si Leroy est devenu facho ?


Par connerie ? Par paresse intellectuelle ? Par réflexe idiot ? Là j’avoue que je n’ai pas la réponse.


Et oui, il y a du Leroy dans Antoine, jusqu’à son goût discutable pour des musiques …que je ne qualifierai pas : « on entendait la voix délicieusement approximative de Chantal Goya ». Mais pour ceux qui veulent bien se donner la peine, il a même donné la clé de ce qui les rassemble et les éloigne définitivement : « Oui tu étais sans doute fait comme ton grand-père, pétri de haine pour un monde de conventions et d’hypocrisie, mais toi, par cynisme, lassitude, dandysme mal placé, tu as décidé de jouer avec les pantins autour de toi, de faire le marionnettiste alors que le vieux professeur d’histoire, chrétien et communiste voulait, lui, les …, comment disait-on déjà, oui, les émanciper. »


Voilà, indignés un poil fainéants, l’auteur vous a donné la clé, et si vous avez la flemme de la chercher, votre serviteur vous la met sous le nez …


Ceci étant dit, oui c’est un grand bouquin qui rejoint (comme je le disais il y a quelques jours) les constats de Thierry Di Rollo et d’Olivier Bordaçarre.


Le choix des personnages et la construction, sont impeccables. Leroy, en bon tragédien, fait semblant de respecter l’unité de lieu et de temps. Tout se passe en une nuit, chaque personnage est coincé dans sa chambre. Il s’en échappe en faisant appel à leurs souvenirs, nous refaisant vivre la montée du Bloc, ses soubresauts, son chemin vers la respectabilité, la percolation de ses idées dans la classe politique et médiatique …


Tout cela est bien beau, mais ne fait pas un bon livre. Ce qui fait que ce polar est grand ce sont ces deux personnages. Toute la force du roman vient, justement, de ce que les imbéciles reprochent à l’auteur : On y croit, on comprend (j’ai dit comprend, pas partage) leurs raisons, mieux, on les sent dans ses tripes, on finit même, parfois, horreur de l’horreur, par sentir une certaine sympathie. Et oui, c’est ça qui fait mal, ce ne sont pas des monstres, ce sont des humains, un peu, beaucoup, comme nous. Et c’est pour cela que le bouquin nous touche, et c’est pour cela qu’il faut les combattre et combattre une société qui les fabrique. C’est aussi pour ça qu’on peut aussi gagner. On ne peut pas gagner contre des monstres inhumains, sauf si on les extermine. On peut face à des gens fabriqués comme nous qui ont juste fait d’autres choix. Mais pour ça, il faut les connaître …


Alors non, ce n’est pas agréable. Manquerait plus que ça. Mais c’est un grand bouquin. Dont la lecture devrait être obligatoire. Ne serait-ce que pour donner tord à l’auteur et pour que tout ne se termine pas comme dans son roman.


Vous connaissez l’histoire de la grenouille qui ne saute pas de la casserole parce qu’on monte la température de l’eau petit à petit et qu’elle se rend compte trop tard qu’elle est en train de cuire ? En bien nous devons remercier Thierry Di Rollo, Olivier Bordaçarre et Jérôme Leroy. Chacun à sa façon nous balance l’eau bouillante à la figure. Ca fait mal, ça brûle, mais ça nous poussera peut-être à sauter hors de cette foutu casserole avant qu’il ne soit trop tard. Restera ensuite à la balancer à la tronche de ceux qui veulent nous faire cuire.


Jérôme Leroy / Le bloc, Série Noire (2011).

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  • : Il sera essentiellement question de polars, mais pas seulement. Cinéma, BD, musique et coups de gueule pourront s'inviter. Jean-Marc Laherrère
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