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7 février 2014 5 07 /02 /février /2014 23:13

Marin Ledun a décidément tous les talents. Ca finit même par être agaçant ! Un des rares auteurs français qui se soucie du monde du travail, et ça donne le magnifique Les visages écrasés ; capable de nous plonger dans un inquiétant futur proche (trop proche) comme Dans le ventre des mères, voilà qu’il s’attaque à la question du Pays Basque avec L’homme qui a vu l’homme (et là aussi, il est un des rares sinon le seul en France) … détail qui a son importance, il traite tous ces sujets avec le même talent d’écrivain.

 

Ledun

Janvier 2009, Iban Urtiz, jeune journaliste, vient travailler à Bayonne, dans ce Pays Basque où il est né mais qu’il ne connaît pas. Il est immédiatement happé par une affaire de disparition : Jokin Sasco, ancien militant d’ETA rangé depuis sa sortie de prison, a disparu depuis plusieurs jours. Sa famille inquiète convoque une conférence de presse et ranime les fantômes de la guerre sale, celle du GAL, groupe paramilitaire d’extrême droite qui a, quelques années auparavant, traqué les militants basques des deux côtés de la frontière, avec la bénédiction, quand ce n’est pas l’aide, des polices françaises et espagnoles. Iban se heurte à deux obstacles : la police, la justice et le monde politique ne veulent pas entendre parler de cette affaire ; et les militants basques, pour qui il est un étranger qui ne connaît pas leur lutte, et donc par définition un ennemi. Malgré les difficultés, les menaces et la peur, Iban est décidé à aller au bout de son enquête.


L’homme qui a vu l’homme est un thriller politique impeccable, dans la lignée et le style des romans de Dominique Manotti, et croyez-moi, de ma part, c’est un compliment. A partir d’une documentation et d’une étude du sujet que l’on devine fort approfondie, Marin Ledun livre un polar sec comme un coup de trique, parfaitement construit, alternant les points de vue et les lieux, sans une phrase de trop. Ca claque, ça pète, ça bastonne … un vrai plaisir de lecture.


Un plaisir pas complètement gratuit. Car il y a un fond, et même un fond solide. Compromission des polices espagnoles et françaises, manipulation des media et violence gratuite sur les militants, chape de plomb mise sur des actes impardonnables, impunité des puissants et de la classe politique qui les protège … Tout cela au service de la répression d’un mouvement qui, en 2009, ne représente plus aucun danger politique.


Mais Marin Ledun n’est pas aveugle, et si la jeunesse basque militante est présentée comme la victime qu’elle est, la responsabilité dans cet engrenage imbécile des mouvements indépendantistes n’est pas occultée. Et là aussi, l’auteur est très habile.


En nous mettant dans la peau d’un « étranger » qui ne connaît pas la situation, le manque de clarté des revendications, le sacrifice des individus à des causes pas franchement compréhensibles, voire tout simplement à des positions de pouvoir, les côtés très limites du nationalisme exacerbé (qui est aussi con quand il est basque que quand il est français, russe ou sénégalais), le rejet hystérique de l’autre qu’il entraîne … apparaissent de façon très claire.


Pour résumer, Marin Ledun n’est absolument pas manichéen et montre bien que les victimes sont, parfois, des salauds comme les autres et ont vite fait de se transformer en bourreaux … Cela va sans dire, mais cela va mieux en le disant. Bref, un excellent polar, passionnant à lire à tous les points de vue.


Marin Ledun / L’homme qui a vu l’homme, Ombres Noires (2014).

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5 février 2014 3 05 /02 /février /2014 22:45

Voilà sans doute un auteur dont les chroniqueurs radio et télé éviteront de parler tant son nom est imprononçable. Et c’est bien dommage. C’est le troisième roman que je lis de Duane Swierczynski, et s’il ne faut pas crier au génie, c’est la troisième fois que je prends beaucoup de plaisir. Le dernier s’appelle Date limite.

Swierczynski

Mickey Wade est un raté de la plus belle eau : Sans un sou de côté, il vient de se faire virer du journal où il bossait depuis des années. Réduction d’effectifs. Il se retrouve alors avec quelques dollars en poche, obligé de s’installer dans son quartier de naissance, l’ancienne banlieue ouvrière de Philadelphie devenue une zone en pleine décrépitude. Il y occupe l’appartement vieillot de son grand-père. Tout semble parti pour une lente noyade dans l’ennui et la misère. Mais, car il y a un mais, un soir de gueule-de bois Mickey ne trouve rien d’autre à se mettre sous la langue que de vieilles pilules trouvées dans l’armoire à pharmacie du papi. Et le voilà projeté en 1972, l’année de sa naissance. A son « retour » il découvre qu’il peut voyager dans le passé à sa guise et entreprend d’arranger sa vie familiale. Est-ce vraiment une bonne idée ?


On connait donc déjà ici Duane (je vais l’appeler Duane) pour deux romans assez déjantés, The blonde et A toute allure. S’il est ici plus calme et va un peu moins vite, il continue à tout oser, même le thème ô combien casse-gueule du voyage dans le temps, et s’en sort encore avec une bien belle élégance.


Une fois de plus, et sans jamais donner l’impression de chercher à écrire le roman du siècle, il dresse le portrait d’un joli looser, d’un de ces perdants sympathiques que l’on aime tout de suite. Pauvre Mickey qui, chaque fois qu’il tente quelque chose (ou presque) arrive juste à faire empirer la situation.


Et sous de dehors de joyeux je m’en foutiste, l’auteur fait preuve d’un sacré savoir-faire. Imaginez, des histoires de « et si je rencontre mon père et que je lui fais avoir un meilleur poste ; et si je crêve les pneus de la voiture qui a écrasé mon chien avant qu’elle démarre ; et si … » on en a lu quelques-unes, pas toujours réussies. Et bien celle-ci arrive à renouveler le genre, mêle très habilement polar et SF, en profite pour peindre de façon très humaniste une époque (les années 70) et ses quartiers populaires et ouvriers, et montre l’évolution de ces quartiers une fois la classe populaire décimée …


Bref on ne s’ennuie pas une seconde, on est touché, et l’auteur se permet même une fin en happy end fort agréable, sans gnangnan et sans tomber dans la pièce montée pleine de crème, si vous voyez ce que je veux dire.


Décidément j’aime beaucoup ce monsieur Swierczynski.


Duane Swierczynski / Date limite (Expiration date, 2010), Rivages/Noir (2014), traduit de l’américain par Sophie Aslanides.

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3 février 2014 1 03 /02 /février /2014 22:54

A ce jour la collection « Ville Noire » est riche. Malheureusement, je n’ai trouvé le temps de lire entièrement que Barcelone, Mexico et Paris. Et j’ai pioché ici et là dans Londres et Rome … Voici cette fois La Havane.

 

lahavanenoir

Sans grande originalité je vais reprendre ce que j’ai dit sur les précédents recueils : On a forcément un résultat un peu inégal, avec ses chouchous et ceux qu’on aime moins. La spécificité de celui-ci étant que la personne qui a rassemblé ce recueil ne vit pas à La Havane et n’a pas écrit en espagnol mais en anglais …


Ce qui explique peut-être quelques nouvelles qui relèvent plus de la diatribe de réfugié cubain de Miami que de la littérature, la palme étant sans doute à attribuer à Vengeance chinoise de Oscar Ortiz qui touche au grotesque … J’avoue ça m’a un peu agacé.


Mais il y a aussi du bon, et du très bon.


Le bon est à chercher dans la première nouvelle, flirtant avec le fantastique, L’homme de nulle  part de Miguel Mejides qui met en scène un gang de nains vivant dans les égouts qui mettent la main sur la ville.


Shanghai de Alex Abella est une jolie reconstitution du ton hardboiled dans une ville secouée par les derniers soubresauts de la révolution.


Un bon récit de dérive dans un quartier laissé à l’abandon où les seuls revenus viennent des trafics divers et variés, avec Le pont rouge de Yoss.


La coca cola del olvido de Lea Aschkenas parle d’exil et de séparation, vu du côté de ceux qui sont restés et qui n’ont plus de nouvelles de ceux qui sont passés aux US.


Le très bon, c’est une fois de plus le grand Leonardo Padura qui, dans une nouvelle très sombre et très dure, Regarder le soleil en face, suit la dérive de quelques jeunes sans avenir. Une nouvelle au ton beaucoup plus âpre et désespéré que la tonalité douce-amère de la série Mario Conde.


Ou La scène de Mylène Fernandez Pintado, derniers jours d’une vieille femme dans un immeuble promis à la démolition.


Ou la très vénéneuse Orchidée de Mariela Varona Roque, texte très court et sans concession qui en quelques pages nous plonge dans l’horreur.


Voilà pour mes préférés, vous aurez très certainement les vôtres. Un dernier regret, j’aurais bien aimé retrouver un texte de Lorenzo Lunar découvert il y a peu, ou un inédit de Julio Vasco, ou un de Daniel Chavarria … tant pis.


Collectif / La Havane Noir, Asphalte (2013), traduit de l’espagnol par Olivier Hamilton et de l’anglais par Marthe Picard.

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1 février 2014 6 01 /02 /février /2014 12:24

Un premier roman qui, au vu du résumé, ne manque pas d’ambition. Allons-y. C’est Terminal Belz d’Emmanuel Grand.

Grand

Marko est ukrainien. Avec trois autres jeunes, il décide de rentrer illégalement en Europe. Mais quelque part en chemin les truands roumains qui les font passer violent la jeune femme qui est avec eux. Les trois hommes réagissent, tuent un des passeurs et partent avec le camion et l’argent du passage. Marko se retrouve à Lorient, sans papier, à la merci des policiers et poursuivi par un tueur de la mafia roumaine. Il trouve un boulot de marin sur l’île de Belz, auprès de Joël Caradec, patron pêcheur grande gueule qui a perdu son fils en mer. Une embauche qui ne plait guère aux autres iliens, et voilà Marko, en plus, en butte à l’hostilité des autochtones. Quand un pêcheur des plus revendicatifs est retrouvé mort, et que les vieilles légendes semblent resurgir, la situation de Marko s’assombrit encore plus …


L’ami Yan a aimé, Christophe Laurent est plus dubitatif, je me situerais entre les deux, avec quand même une tendance à pencher du côté du scepticisme.


Ca part très bien. Le démarrage de l’histoire dans ce camion, la claustrophobie (dès le départ), la violence des passeurs et la fuite. L’arrivée sur l’ile, la description de son quotidien, sa géographie particulière, ses habitants. Ça aussi ça part bien.


C’est ensuite que je trouve que le roman ne trouve pas sa voie, que la mayonnaise ne prend pas tout à fait : Pour commencer la traque par le tueur de la mafia roumaine a du mal à s’intégrer au récit principal.


Ensuite le côté fantastique revendiqué est une excellente idée, mais il est très casse-gueule. Pour un John Connolly qui arrive à distiller l’angoisse sans jamais utiliser le fantastique dans ses résolutions d’énigme, ou un Marc Behm qui fait résolument le choix de choisir un personnage principal « extra-ordinaire », nombreux sont les auteurs qui tombent dans le grand–guignol ou le mysticisme en peau de zébu. Et ici l’auteur n’échappe pas complètement à ces deux pièges même s’il ne tombe pas complètement dedans. Du coup, le fantastique ne fait pas peur, ce qui est quand même un comble, et certaines explications des légendes bretonnes sont un peu longues.


Pour finir, il me semble courir trop de lièvres à la fois. Le flic par exemple a une présence si légère qu’on se demande pourquoi il est là. Le conflit entre Marko et son père décédé également. Et ce qui semble être au centre du récit, à savoir le huis-clos sur une ile isolée du continent par l’enquête n’est pas assez approfondi à mon goût. J’aurais aimé sentir d’avantage la claustrophobie et la montée de l’angoisse. J’aurais aimé douter de la santé mentale des personnages, comme dans Shuter Island (je sais la référence est rude), j’aurais aimé ressentir le vent, le mal de mer, les embruns, la pesanteur des regards …


Au final, un premier roman ambitieux, prometteur, mais qui sur la longueur ne tient pas toutes ses promesses.


Emmanuel Grand / Terminal Belz, Liana Lévi (2014).

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26 janvier 2014 7 26 /01 /janvier /2014 21:24

Matthew Stokoe, déjà traduit par Antoine Chainas avait fait irruption en 2012 avec un roman terrifiant, La belle vie. Cela avait été l’occasion ici d’un échange avec Aurélien Masson et Antoine Chainas. Il revient en ce début 2014 avec un nouveau roman Empty Mile, où il change complètement de style et de propos.

 

Stokoe

Suite à un événement traumatisant, Johnny Richardson a quitté la petite ville californienne de Oakridge. Huit plus tard il revient, rongé de remords, retrouver son père, son plus jeune frère Stan et son amour de jeunesse. Et essayer de réparer les tords causés. Peu de temps après son retour, son père disparaît après lui avoir parlé d’un terrain en bordure de la ville qu’il vient d’acquérir, et Johnny s’aperçoit qu’il est la cible d’une vendetta sans pitié. Il va devoir comprendre ce qui se trame pour sauver ce qui peut encore l’être.


Impressionnant de voir la différence entre les deux romans de cet auteur anglais. Autant La belle vie est complètement déshumanisé, totalement dépourvu d’empathie et de sentiment, autant celui-ci vous prend au trippes. Autant le premier frappe par sa froideur et le vide des personnages, autant celui-ci est émouvant.


Cela commence avec les personnages. Stan et Rosie resteront pour moi parmi les grands personnages noirs, de la trempe d’un Lennie, c’est dire. Mais tous les autres aussi, tous rongés par la douleur, la culpabilité, l’impossibilité à exprimer certains sentiments, la rage, la vengeance, l’amour et la haine, la confiance aveugle ou le doute … Tout cela est mis à nu page après page et vous retourne le cœur.


Et quelle putain d’histoire ! J’ai vu chez les Unwalkers qu’un des chroniqueurs parlait de nœud coulant. C’est bien l’impression que l’on a, ou celle de sables mouvants. Quoi que fasse Johnny, le nœud se resserre, il s’enfonce un peu plus, entrainant à sa suite ceux qu’il aime. Désespérant, implacable, jusqu’au final inévitable.


Autant il est difficile de conseiller aveuglément La belle vie, autant là je peux y aller sans crainte : lisez Empty Mile.


Matthew Stokoe / Empty Mile (Empty Mile, 2010), Série Noire (2014), traduit de l’anglais par Antoine Chainas.

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24 janvier 2014 5 24 /01 /janvier /2014 16:24

Les Unwalkers ont visiblement décidé d’interviewer tous les auteurs irlandais traduits en France ! C’est une excellente idée, le dernier en date, Sam Millar.

J’en profite pour vous signaler deux nouveaux blogs sur lesquels je vais musarder de temps en temps : La lectrice en campagne et les aventures littéraires de Littéraventure.

Dernière info. Vendredi prochain (le 31), Philippe Corcuff sera à la librairie Ombres Blanches à partir de 18h00 pour parler de son essai : Polars, philosophie et critique sociale.

Bientôt ici même le nouveau roman de Matthew Stokoe, auteur de l’effarant La belle vie.

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22 janvier 2014 3 22 /01 /janvier /2014 22:44

Vous avez dû commencer à en entendre parler. Un nouvel espagnol, Rafael Reig, chez Métailié dont le premier roman Ce qui n’est pas écrit semble faire l’unanimité. Je ne pouvais pas rater ça.

Reig

Carlos et Carmen sont divorcés. Lui est un écrivain raté, elle travaille dans une maison d’édition. Ce week-end, le père emmène leur fils, Jorge, quatorze ans, pour une rando en montagne. Il espère ainsi renouer des liens qui se sont distendus, Jorge vivant tout le temps avec sa mère. Au moment de partir il laisse Carmen un manuscrit, celui du grand roman qu’il a toujours voulu écrire. Stressée de rester d’être séparée de son fils, Carmen commence à lire, et trouve d’étranges résonnances entre le polar sanglant et malsain écrit par Carlos et leur ancienne vie commune. Incapable de joindre le père et le fils dont les téléphones restent muets, elle commence à craindre pour la vie de Jorge. Alors que sur la montagne le temps se gâte et que les relations père-fils ne sont pas au beau fixe, l’inquiétude de la mère grandit …


Ce qui n’est pas écrit est un roman brillant. La construction, entre le roman dans le roman, l’angoisse de la mère restée à Madrid, et la détérioration des relations entre père et fils est à la fois subtile et très forte.


L’analyse et le rendu par l’écriture des difficultés de relations entre les trois protagonistes (et même avec quelques personnages secondaires) sont criants de vérité : Tout le monde y reconnaîtra, dans une moindre mesure j’espère, les difficultés qu’il rencontre tous les jours avec ses collègues, son conjoint, ses parents ou ses gamins. Les frustrations des personnages, et plus particulièrement du père, du fils et (non, pas du saint esprit) du personnage de fiction imaginé par le père sont très bien rendues.


Roman brillant donc … Mais pour un peu trop froid pour que je sois complètement enthousiaste. Que voulez-vous je suis resté un peu naïf. J’aime, dans les polars les plus noirs, avoir un personnage, même (ou surtout) un raté, un paumé ou un looser magnifique, mais un personnage pour continuer à croire en l’humanité. Un Jack Taylor, un Dave Robicheaux, deux pantins qui se prennent pour Butch Cassidy et le kid … Enfin au moins un personnage que l’auteur aime bien. Ou alors de l’humour. Et là rien de tout ça.


C’est brillant, les individus sont très bien dépeints, mais chacun n’est intéressé que par sa toute petite personne et ça manque d’humanité. C’est très certainement voulu, c’est très certainement représentatif de notre monde (ou au moins d’une partie de notre monde) je suis admiratif, mais je reste froid. Et du coup le suspense final (parfaitement mené, rien à dire) ne m’a pas bouleversé.


Etrange non ? Et vous ?


Rafael Reig / Ce qui n’est pas écrit (lo que no está escrito, 2012), Métailié/Noir (2014), traduit de l’espagnol par Myriam Chirousse.

 

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19 janvier 2014 7 19 /01 /janvier /2014 19:16

En quelques romans Sam Millar c’est affirmé comme un auteur à suivre. Encore un irlandais me direz-vous. Ben oui, il va falloir s’y faire, après la vague scandinave, on a droit à une vague irlandaise (pas encore aussi médiatisée) et c’est un vrai bonheur. Son dernier roman traduit, Les chiens de Belfast serait, si j’ai bien lu, le début d’une série. C’est une très bonne nouvelle.

Millar

Karl Kane est privé à Belfast. Fauché comme beaucoup de privés, préposé aux affaires minables, divorcé, beau-frère d’un flic, et victime de fortes crises d’hémorroïdes. Voilà pour le héros. Il est contacté par un homme qui veut des renseignements sur un cadavre récemment trouvé dans les rues de Belfast. Une affaire plutôt bien payée et a priori sans risque. A priori. Car les cadavres mutilés s’amoncellent et de vieilles histoires sinistres remontent à la surface.


Ceux qui connaissent les premiers romans de Sam Millar se doutent bien qu’ils ne vont pas lire une bluette … Et ce n’en est pas une. Le prologue donne le ton, ce sera sanglant. D’un autre côté, Sam Millar est irlandais. Ce qui implique un humour noir grinçant qui vient faire passer la pilule. Là encore l’entame du premier chapitre donne le ton. Je n’en dis pas plus, lisez !


Ensuite, ça déroule : un privé dans la grande tradition (un rien paumé, tenace, grande gueule, fauché, peu copain avec la police), une intrigue mêlant passé et présent fort bien menée, des dialogues très réussis, du bonheur.


En toile de fond de cette histoire une ville de Belfast qui n’a rien à envier aux autres métropoles décrites par les grands du polar : pluie, crasse, corruption, police pourrie, faibles systématiquement matraqués par les plus forts, impunité des puissants. Bref la « routine », une routine dont peu de romans parlent … sauf les meilleurs polars et Les chiens de Belfast en fait partie.


On peut trouver que l’histoire est un brin dense, mais je mets cela sur le compte du premier d’une série où il faut présenter les personnages et leur lourd passé. Pour ma part, cela ne m’a pas dérangé, et surtout, ça me donne encore plus envie de lire la suite.


Sam Millar / Les chiens de Belfast (Bloodstorm, 2008), Seuil/Policiers (2014), traduit de l’irlandais par Patrick Raynal.

 

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18 janvier 2014 6 18 /01 /janvier /2014 21:27

Toulouse polars du Sud lance son 6° concours de nouvelles Thierry Jonquet.

Le thème de cette année sera : Un mois de retard.

Tous les renseignements ici.

Suerte.

Concours2014

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16 janvier 2014 4 16 /01 /janvier /2014 21:36

Si vous êtes un habitué de ce blog, vous le savez, en janvier outre la nouvelle année, il y a le Camilleri nouveau. Et quelle meilleure façon de commencer l’année que d’aller au soleil de Sicile avec le maestro de Vigata ? Le cru 2014 s’appelle La danse de la mouette.

 

Camilleri

Salvo Montalbano a prévu de prendre quelques jours de vacances avec Livia, sa copine génoise qui vient de le rejoindre à Vigata. Promis juré, il file au commissariat signer quelques papiers et à 16h00 dernier délai il est de retour, valises prêtes pour un petit voyage en amoureux. C’est alors que la femme de son adjoint Fazio vient le voir inquiète : son mari n’est pas rentré, depuis la veille au soir. Il était sorti appelé par le Dottore en personne. Panique à bord, Salvo n’a pas appelé son adjoint la veille ! Il invente un mensonge, se met dans un sacré embarras, mais surtout commence à paniquer. Fazio est sérieux et s’il a disparu, c’est qu’il a de graves, très graves ennuis.


Et c’est comme ça que ce bon Montalbano oublia complètement Livia qui l’attendait chez lui …


« Vivement janvier 2014 pour le prochain. » écrivis-je pirsonellement en pirsonne l’an dernier. Ben voilà, on y est et c’est toujours aussi bon.


Une fois de plus ma fille m’a regardé avec de grands yeux, peu habituée qu’elle est à me voir (et m’entendre), m’esclaffer bruyamment à la lecture de mes polars. Et là, j’avais déjà éclaté de rire plusieurs fois avant la fin du premier chapitre. Et noté soigneusement cette proposition montalbanesque pour changer le premier article de la constitution italienne : « L’Italie est une République fondée sur le trafic de drogue, le retard systématique et le bavardage dans le vide », article qui, soit-dit en passant, doit pouvoir être adapté, sans en changer grand-chose, et surtout pas la dernière partie, à notre beau pays …


Ceci mis à part, les dialogues sont surréalistes avec une maîtrise époustouflante du quiproquo, les relations entre Salvo et son entourage (Catarella bien entendu, mais aussi le questeur et son adjoint, ou le médecin légiste) sont autant d’occasion de nous faire éclater de rire et Andrea Camilleri joue merveilleusement avec le lecteur et sa connaissance de la série (en un mot il sous-entend qu’il sait que nous sommes intelligents, ce qui fait toujours plaisir).


En filigrane, le portrait sans pitié d’un pays pourri par l’affairisme et la corruption, mais également les portraits très humains et tendres (même si parfois sa tendresse est un poil rugueuse) de ses habitants. Disons de certains de ses habitants.


Et donc : Vivement janvier 2015 pour le prochain.


Andrea Camilleri / La danse de la mouette (La danza del gabbiano, 2009), Fleuve Noir (2014), traduit de l’italien par Serge Quadruppani.

 

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