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2 juillet 2009 4 02 /07 /juillet /2009 00:21

Voici d’autres bouquins à emporter dans ses bagages. Folio continue à faire un travail remarquable de réédition et sort, en juin, deux bouquins indispensables. Les deux sont de Harry Crews, le trop méconnu.

 

L’un est un de ses grands romans du sud profond. Comme La foire aux serpents (déjà repris par folio policier), Le chanteur de gospel nous plonge dans le sud abyssal des petits blancs. Difficile en lisant ces deux romans de ne pas penser immédiatement au grand Erskine Caldwell. On retrouve chez Harry Crews cet univers désespérant, cette misère, cette noirceur, mais également le même sens du grotesque. Et Crews ne souffre jamais de cette référence pourtant prestigieuse.

 

Le second, Des mules et des hommes, est son autobiographie. Ou plutôt le récit de son enfance. Il vous laissera autant sur le c… si je puis me permettre, que ses romans les plus puissants. Parce tout y est. C’est le même sud, les mêmes personnages, la même crasse, la même misère (économique et culturelle), la même ambiance … Tout. A partir de là, on comprend mieux son œuvre. Et on ne peut s’empêcher de se demander par quel miracle il a pu s’en sortir et devenir cet écrivain exceptionnel.

Je ne les ai pas relus (pas encore), je n’en parlerai donc pas plus longuement, mais je ne suis pas près de les oublier. Un auteur à découvrir, absolument.

 

 

Et cherchez un peu sur internet, vous trouverez des photos du zozo, il a une trogne qui ne trompe pas. Tout ce qu’elle promet, vous le trouverez dans ses bouquins. Quel est l’imbécile qui a dit qu’il ne fallait pas juger les gens sur l’apparence ?

 

Harry Crews / Le chanteur de gospel, (The gospel singer, 1968) Folio/Policier (2009), traduit de l’américain par Nicolas Richard ; Des mules et des hommes (A Childhood: The Biography of a Place, 1978) Folio (2009) traduit de l’américain par Philippe Garnier.

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30 juin 2009 2 30 /06 /juin /2009 21:37

Ca y est, les vacances approchent, le rythme des parutions baisse, on peut commencer à repêcher les bouquins en attente sur la pile … Et comment mieux commencer la période estivale qu’avec un Elmore Leonard ? Voici donc Dieu reconnaîtra les siens, que j’avais raté lors de sa sortie en grand format.

 

Terry Dunn est prêtre. Au Rwanda. Il y a vu 47 personnes massacrées sous ses yeux, sans rien pouvoir faire. Il doit maintenant retourner à Detroit, sa ville d’origine. Une ville qu’il avait quittée, cinq ans auparavant, juste avant d’être inculpé pour trafic de cigarettes. Normalement, pendant ce temps, son frère qui est avocat a arrangé ses affaires. A Detroit, il rencontre Debbie, une privée qui bosse avec son frère et sort juste de trois ans de prison après avoir tenté d’éliminer son ex qui l’a trompée et volée. Une rencontre qui va faire des étincelles. Il faut dire que Terry est sacrément cool et baratineur pour un curé …

 

Du Elmore Leonard 100%. Personnages extraordinaires, intrigue impeccable, truands pitoyables mais dangereux, et dialogues … leonardiens. Je ne vois pas de meilleur qualificatif. Donc c’est déjà l’assurance d’un grand moment de lecture.

 

Ce qui en fait un grand cru c’est sa façon de parler du Rwanda. A ma connaissance personne (sauf peut-être le regretté Donald Westlake, comme dans son Kahawa), n’est capable de décrire l’horreur avec autant d’humanité et en même temps une telle absence de sensiblerie et d’emphase. Avec une telle force, et sans jamais, à aucun moment, chercher à tirer les larmes. Avec autant d’impact, tout en donnant l’impression d’un détachement complet.

 

Un grand Elmore Leonard, vraiment. A emporter absolument dans ses bagages cet été.

 

Elmore Leonard / Dieu reconnaîtra les siens, (Pagan babies, 2000) Rivages/Noir (2009), traduit de l’américain par Dominique Wattwiller.

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12 juin 2009 5 12 /06 /juin /2009 22:05

C’est décidément la fête à Robicheaux en ce moment. Après le beau film de Tavernier, voici que le James Lee Burke nouveau arrive chez Rivages. Il s’appelle L’emblème du croisé. Il faut le lire.

 

En 1958, Dave Robicheaux et son frère Jimmie croisent la route d’Ida Durbin, prostituée. Elle disparaît le jour où elle devait s’enfuir avec Jimmie. Presque quarante ans plus tard, sur son lit de mort, un ancien flic ripoux à l’article de la mort fait appelle Dave et lui confie qu’il sait qu’Ida est toujours vivante. Dave, une fois de plus, décide de déterrer le passé. Son enquête l’amène à s’intéresser de près à la famille Chalons, vieux aristocrates du sud qui font toujours la pluie et le beau temps du  côté de New Iberia. Sa route va aussi croiser celle d’un tueur qui viole et massacre de jeunes femmes autour de Baton Rouge.

 

Que dire de ce nouveau Dave Robicheaux ?

 

Que contrairement à ce qui se passe avec d’autres série (comme par exemple Connelly qui connaît quand même quelques baisses de régime), il n’y a aucun fléchissement d’intérêt ou de qualité dans l’œuvre de James Lee Burke ; que sa description du bayou est toujours un enchantement ; que Dave Robicheaux est aussi attachant, fragile, émouvant, violent, étonnant … que lors de sa première apparition ; que son pote Clete qui, j’ai l’impression, prend de plus en plus d’importance dans ses romans est un personnage secondaire extraordinaire comme seuls les grands savent en créer ; que sa description de ce sud, d’hier et d’aujourd’hui, est à la fois implacable, sans pitié et magnifique ; que ses intrigues sont toujours prenantes, et qu’il est toujours un maître du rythme, capable de prendre son temps, puis de produire des accélérations dignes des thrillers les plus trépidants.

 

On retrouve, outre les personnages et le décor, l’intérêt de James Lee Burke pour le passé de sa région, pour ses traumatismes, pour la violence de son histoire, et pour l’influence de cette histoire sur le présent. On retrouve sa critique implacable des possédants, des grandes familles qui se comportent toujours comme quand elles avaient droit de vie et de mort sur leurs esclaves. On retrouve, entre les lignes, sa critique de ceux qui envoient des gamins (qui ne sont bien entendu pas les leurs), mourir loin, pour défendre des intérêts … peu défendables.

 

On lit même ceci : « Les capitalistes finissent pendus à la corde qu’ils ont vendue à leurs ennemis » au tout début de l’épilogue …

 

Bref, vive James Lee Burke, vive Dave Robicheaux. Espérons que le film de Bertrand Tavernier va donner envie à de nouveaux lecteurs de le découvrir, parce qu’il le mérite. Et vivement le suivant.

 

James Lee Burke / L’emblème du croisé, (Crusader’s cross, 2005) Rivages Thriller (2009), traduit de l’américain par Patricia Christian.

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8 juin 2009 1 08 /06 /juin /2009 21:19

Vous ignorez sans doute où se trouve le comté d’Absaroka. Je l’ignorais jusqu’à ces derniers jours. C’est dans le Wyoming, moitié ouest des US, au sud du Montana. Ca va mieux ? Pourquoi en parler ? Parce que Walt Longmire, shérif du comté d’Absaroka, est le héros de Little Bird, roman de Craig Johnson, la dernière découverte des éditions Gallmeister.

 

En général, son boulot consiste à arrêter des chauffeurs saouls comme des vaches, séparer des couples qui se castagnent, ou régler des conflits de pâturages. Sauf quelques années auparavant où il a arrêté quatre jeunes gens qui venaient de violer une jeune Cheyenne souffrant de légères déficiences mentales. Les quatre s’en étaient sortis avec des peines minimales. Le plus agressif des violeurs, Cody Pritchard, vient d’être trouvé par des chasseurs, abattu d’une balle de très gros calibre. Accident de chasse, coïncidence, ou début d’une vengeance ? La tranquillité de Walt semble prête à voler en éclat, alors que la première tempête de l’hiver est annoncée.

 

Du Gallmeister pur jus. Comme William Tapply ou Jim Tenuto. Les grands espaces (ici, après le Montana et le Maine, le Wyoming), une nature magnifiquement décrite, personnage à part entière du roman ; des personnages hors norme, qu’on aime instantanément ; une intrigue qui tient la route ; des dialogues qui claquent ; quelques morceaux de bravoure. Emballez, c’est pesé, vous avez là un nouvel auteur qui fait souffler un vent frais sur le polar.

 

Ce n’est pas d’une originalité bouleversante dans la structure (contrairement à Edward Abbey, toujours chez Gallmeister, que je mets à part), mais c’est impeccable, et le décor est, lui, assez rarement utilisé pour surprendre. Un des plus de la série Walt Longmire (car il semble bien qu’il s’agisse d’une série), c’est le regard porté sur la communauté indienne. Un regard compréhensif, humain, chaleureux, jamais misérabiliste ni culcul.

 

Un autre c’est, comme dans la série écrite par Jaimie Harrison qui se déroule, elle, dans le Montana, parsemant le roman, la liste des plaintes et des interventions des services du shérif qui apportent une touche supplémentaire d’humour.

 

Bref, encore un excellent cru, à déguster sans modération. Vivement le prochain. Pour vous donner un aperçu de l’humour, je ne résiste pas au plaisir de citer la conclusion, que je trouve excellente :

 

« - Tu sais Lonnie m’a dit quelque chose sur ces oies …

J’attendis un moment, mais je finis par répondre.

Ah ouais ?

Tu sais pourquoi elles volent toujours en V ?

Non ?

Et pourquoi un côté du V est toujours plus grand que l’autre ?

Son silence dura une éternité, et il n’y avait rien que je puisse faire.

Pourquoi ?

Parce que … Il y a plus d’oies d’un côté que de l’autre. Hmm … Oui, c’est bien vrai. »

Craig Johnson / Little Bird, (The cold dish, 2005) Gallmeister Noire (2009), traduit de l’américain par Sophie Aslanides.

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14 mai 2009 4 14 /05 /mai /2009 21:28

Un commentaire me demande l’ordre des Dave Robicheaux. Comme avec un peu de chance le film de Bertrand Tavernier va amener de nouveaux lecteurs au grand James Lee Burke, je les livre Urbi et Orbi. Et hop.

Le tout grâce à la bible, Le Dictionnaire des Littératures Policières de Claude Mesplède que j’ai ouvert, tout bêtement, à l’article Dave Robicheaux :

La pluie de néon (The neon rain, 1987)

Prisonniers du ciel (Heaven’s prisoners, 1988)

Black Cherry Blues (Black Cherry Blues, 1989)

Une saison pour la peur (Morning for flamingos, 1990)

Une tache sur l’éternité (A stained white radiance, 1992)

Dans la brume électrique avec les morts confédérés (In the electric mist with the Confederate dead, 1992)

Dixie city (Dixie city jam, 1994)

Le brasier de l’ange (Burning angel, 1995)

Cadillac juke-box (Cadillac Jukebox, 1996)

Sunset limited (Sunset limited, 1998)

Purple Cane Road (Purple Cane Road, 2000)

Jolie Blon's Bounce  (Jolie Blon's Bounce, 2002)

Dernier tramway pour les Champs-Elysées (Last car to Elysian Fields, 2003)

Et voilà le travail. Ils sont tous publiés chez rivages, en poche, ou en grand format pour le dernier.

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24 mars 2009 2 24 /03 /mars /2009 23:17

Rééditions de Donald Westlake, Rivages persiste et signe avec Envoyez les couleurs, et c’est tant mieux.


C’est un grand jour pour Oliver Abbott : Son premier jour d’enseignant d’anglais dans le collège que dirige son père, dans un quartier noir de New York. Un grand jour qui se transforme en jour étrange : Les élèves, les parents d’élèves, certains collègues et pas mal d’activistes noirs reprochent à Oliver d’avoir pris la place d’un professeur noir. Les élèves sont en grève, le quartier en ébullition. Oliver que son père avait totalement tenu à l’écart de la polémique qui avait enflé pendant les vacances, tombe des nues et se trouve au centre d’un conflit qui le dépasse complètement. Pour arranger la situation, il tombe amoureux de Leona, superbe jeune femme, prof de sport … et noire. Le pire est à venir pour Oliver.


Difficile de faire son boulot de chroniqueur amateur après la quatrième de couverture qui dit ceci : « Tout ce que Westlake a écrit sous des identités diverses est bon, et presque tout est mieux que bon. Si vous ne possédez pas tout, allez chez votre libraire, consultez ses catalogues, commandez, lisez. Voilà. » Jean-Patrick Manchette.


Allez ajouter quelque chose à ça … Tant pis, j’y vais quand même.


Commençons par un avertissement. Ce roman n’est pas un polar. Pas de mort, pas d’enquête, pas de vol, pas de flic (ou si peu), encore moins de privé, à peine une ou deux bagarres. Par contre c’est indéniablement un roman de Donald Westlake.


Ecrit et publié en 1969, il reste d’une actualité brûlante. Je connaissais Westlake humoriste, Westlake sec comme un coup de trique (sous le pseudo de Richard Stark), Westlake écrivain de science fiction (Trop humains), Westlake éroticomique (Adios Shéhérazade), Westlake noir profond (Le couperet). C’est encore un nouvel aspect de son talent que je découvre ici : sous des dehors souriant (car son humour est toujours là), il nous livre une très belle histoire d’amour, assortie d’une critique implacable (et souriante) du communautarisme.


Si les sympathies de l’auteur vont, sans le moindre doute, aux habitants noirs et révoltés du quartier où le jeune Abbott doit enseigner, cela ne l’empêche pas de dénoncer de façon d’autant plus efficace qu’elle passe par l’ironie les effets pervers, contre productifs et même franchement absurdes du communautarisme. Une dénonciation qui date de 1969, mais qui sonne très très juste aujourd’hui.


Tout cela est fait avec le talent qu’on lui connaît. Son personnage est magnifique, faible, totalement sous la coupe de papa maman, doutant de lui, victime de ses préjugés (qui sont ceux de l’époque) qu’il combat pourtant de toutes ses forces … et amoureux. Un amour qui lui donne la force d’affronter une scène finale digne grandiose. Une scène qui dans sa fraîcheur, son enthousiasme, son humanisme dénué de tout cynisme fait penser aux plus grandes scènes d’un Capra.


Voilà, on verrait bien James Stewart ou Cary Grant dirigé par un Franck Capra pour cette scène là. On referme le roman avec une pêche d’enfer et l’envie d’aller ferrailler contre tous les cons et les empêcheurs d’aimer en rond. Vive Westlake !


Donald Westlake / Envoyez les couleurs, (Up your banners, 1969) Rivages/Thriller (2009), traduit de l’américain par Michel Deutsch.

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7 mars 2009 6 07 /03 /mars /2009 19:12

Ca devait bien arriver un jour. Pour la première fois, je suis déçu par un roman d’Elmore Leonard. Explication.


1944. Walter Schoen, boucher de Detroit, est le sosie d’Himmler. Il est d’origine allemande et nazillon. Pour compléter le tableau, il faut préciser qu’il est coincé, obtus, et ennuyeux au-delà de toute expression. En cette fin de guerre, il veut absolument faire quelque chose pour le Führer ! A Detroit il y a aussi deux soldats allemands évadés d’un camp de l’Oklahoma, une fausse comtesse ukrainienne sensée être une espionne, son inquiétant amant/serviteur, quelques nazis, et Honey, l’ex de Walter, qui l’a quitté quand elle s’est rendu compte qu’il était aussi barbant que cinglé … Et maintenant, il y a Carl Webster, le Kid de l’Oklahoma, marshal des USA, qui vient récupérer les deux évadés, et tenter de résister aux avances, pour le moins directes, d’Honey qui sait ce qu’elle veut.


A priori, tout est là ou presque à commencer par les deux ingrédients essentiels de tout roman « leonardien » : une belle collection de cinglés et des dialogues qui font mouche.


Mais je ne sais pourquoi, cette fois, je n’y crois pas. Elmore Leonard se tient souvent à une distance ironique de ses personnages, cette fois, à mon goût, il est allé un poil trop loin, du coup je suis moi aussi resté à distance. Je n’arrive pas à m’intéresser vraiment à ce qui arrive aux personnages. Et je n’arrive pas à être convaincus par certains ressorts de l’intrigue et par les motivations et les comportements des personnages qui ont, c’est encore un point de vue subjectif, des réactions que je ne comprends pas d’après ce que je sais d’eux.


Restent quand même un final magnifique, un vrai suspense sur la question essentielle : Carl restera-t-il fidèle à sa femme ou cédera-t-il à la très troublante Honey ? Restent également, comme je le disais plus haut, quelques cinglés de haut vol et des dialogues au cordeau.


Donc je ne me suis pas ennuyé, mais j’ai été déçu. C’est que j’attends plus d’un roman de Leonard … Alors vivement le prochain.


Elmore Leonard / Hitler’s Day (Up in Honey’s room, 2007), Rivages Thriller (2009), traduit de l’américain par Pierre Bondil et Johanne Le Ray.
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2 mars 2009 1 02 /03 /mars /2009 22:36

Trêve de digressions, et retour au polar avec Citizen Vince, premier roman très prometteur d’un jeune auteur américain, Jess Walter.


Vince Camden n’est pas quelqu’un qui s’intéresse de très près à la politique. Il se lève vers deux heures du matin, va jouer au poker, vend un peu de drogue et quelques fausses cartes de crédit, puis va bosser, de 4h30 à midi, dans une boulangerie. Immuablement depuis qu’il vit à Spokane, petite ville du nord-ouest des USA.


Il faut dire qu’en cette année 80, à huit jours de l’élection entre Jimmy Carter et Ronald Reagan, c’est la première fois de sa vie que Vince peut voter : Avant, il a toujours été en prison ou privé de ses droits. Coup du sort, juste au moment où il s’intéresse à ce qui se passe dans le pays, un de ses associés dans l’arnaque aux cartes de crédit est abattu. Vince voit alors son passé lui revenir à la figure, et va devoir faire des choix.


Dès ce premier roman, subtilement noir, Jess Walter s’affirme comme un auteur à suivre. Ni héros invincible, ni anti-héros pitoyable, Vince est un personnage magnifiquement décrit auquel on croit immédiatement. Le lecteur partage ses doutes, ses envies, et sa découverte faite avec un enthousiasme rafraîchissant, de sa citoyenneté. L’auteur à parfaitement saisi ce moment où un homme s’aperçoit qu’il ne vit pas que pour lui mais qu’il fait partie d’une société, et qu’il en découle des droits, mais également des devoirs.


Il peut sembler au lecteur de polar français, habituellement plutôt politisé, que les questions que se pose Vince sont dignes d’un gamin ou d’un adolescent. Son cas est pourtant très certainement représentatif d’une bonne partie de la population américaine ; il suffit pour s’en convaincre de voir le taux d’abstention lors des élections dans ce pays. Et il serait bien présomptueux de penser qu’un tel personnage ne pourrait pas exister en France …


La réflexion de l’auteur, sa façon de relier l’envie de voter avec le fait d’avoir été privé de ce droit jusque là, et d’en faire la métaphore du changement qu’est en train d’opérer le personnage, passant d’une identité de truand individualiste à celle d’un homme qui va prendre une place plus conventionnelle et plus civique (au sens premier du terme) est fine et convaincante.


Sans oublier, et c’est bien ce que l’on attend en premier lieu d’un polar, que c’est bien écrit et superbement construit, avec une progression et un suspense parfaitement maîtrisés qui, peu à peu, font remonter le passé qui explique le présent et mène à un final incertain jusqu’à la toute dernière page.


Sans aucun doute, un auteur à suivre.


Jess Walter / Citizen Vince (Citizen Vince, 2005), Rivages Thriller (2009), traduit de l’américain par Julien Guérif.

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27 février 2009 5 27 /02 /février /2009 19:16

Avec Bandits, Rivages continue à rééditer les romans d'Elmore Leonard des années 80, et c'est un vrai bonheur.


A sa sortie de prison, Jack Delaney change de métier (il écumait les chambres d'hôtel) pour bosser avec son beau-frère comme … croque-mort. Un boulot comme un autre. Ou presque. Il a juste un petit problème quand il faut aller chercher les clients à l'hôpital des lépreux de la Nouvelle-Orléans. Mais là, la cliente est spéciale. Elle est vivante, nicaraguayenne et accompagnée par une sœur belle comme un cœur.


Les ennuis ne tardent pas à tomber sur Jack, mais pas que des ennuis. La « morte » est recherchée par un colonel des contras qui veut lui faire la peau, et qui est aussi là pour récupérer du fric pour continuer à alimenter ceux que le président Reagan, son ami, appelle les combattants de la liberté. Aider une sœur au grand cœur à sauver une jeune fille en détresse, être, pour une fois, dans le camp des gentils, c'est bien, si en plus il y a deux millions de dollars à récupérer, c'est mieux.


On a beau connaître l’artiste, on ne peut manquer d'être émerveillé, à chaque lecture, par son sens du rythme, de l'histoire, et surtout, des dialogues.

Et dans Bandits, il se surpasse. Un conseil à n'importe quel auteur en herbe, s'il veut voir ce qu'est un bon dialogue : ouvrir ce roman à n'importe quelle page et lire, le sourire aux lèvres. Quand à faire aussi bien, là, c'est une autre paire de manches ! Pas étonnant que les romans de Leonard aient autant été adapté au cinéma.


Donc, encore un grand Leonard, 350 pages de pur plaisir. Et, mine de rien, une réflexion sur ce qu'est l'engagement et, à l’inverse, la vacuité d'une vie centrée uniquement sur soi … Mais rassurez-vous, jamais pontifiant, jamais lourd, toujours aérien. Les dialogues, les dialogues vous dis-je.


Elmore Leonard / Bandits (Bandits, 1987), Rivages Noir (2008), traduit de l’américain par Jacques Martichade.

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27 février 2009 5 27 /02 /février /2009 11:51

La quatrième de couverture évoque un Scarface rasta, et c'est bien de cela qu'il s'agit tout au long des plus de cinq cent pages de Rasta gang, fiction fortement autobiographique de Phillip Baker.


New York, 1970. Danny Palmer, adolescent récemment arrivé de Jamaïque avec sa famille, se trouve pris dans un quartier où les antillais sont le bouc émissaire tout trouvé pour les bandes de noirs américains qui s'affrontent avec de plus en plus de violence dans une guerre de territoires sans merci. Démuni, il pense trouver un grand frère qui le protège et lui redonne sa fierté en Dave, un jeune adulte, lui aussi d'origine jamaïcaine, vedette du quartier et champion de foot. Mais Dave est envoyé au Vietnam et Danny se tourne alors vers les Rastafariens et rentre dans cette secte qui va le protéger et faire de lui un tueur. Suivra une carrière foudroyante dans le trafic de drogue et la violence.


Le roman n’est pas exempt de défauts. Il souffre surtout de quelques longueurs et aurait gagné à être resserré. Les récits de massacres finissent par être redondants dans leur horreur, et les passages sur la mystique rasta sont un peu lourds (mais il faut avouer que je ne suis pas très mystique !). C’est d’autant plus perceptible que je n’ai pu m’empêcher de penser aux romans secs comme des coups de trique d’Edward Bunker, la référence en termes de témoignage sur le monde des truands américains.


Malgré ce défaut, ce roman secoue et laisse des traces. On ne peut qu’être impressionné par cette peinture très crue et violente de la vie du ghetto noir dans les années 70. Un roman qui met l'accent sur une réalité peu connue, du moins en France, la xénophobie de toute une population noire américaine qui, bien que revendiquant un héritage noir, s'empresse de mépriser et de haïr ces mêmes noirs s’ils viennent d'arriver.


Cela donne plus de cinq cent pages d'une violence parfois insupportable. Dans un monde où la notion de solidarité, d'entraide, de partage n'existe pas, où l'ami d'un jour se transforme en l'ennemi mortel du lendemain, seuls comptent les armes que l'on a à la main, et l'argent dont on dispose. Pas de morale, pas de valeurs, un seul but, gagner encore et toujours plus.


Finalement, juste l’évolution ultime d’un beau monde capitaliste uniquement régulé par les lois de la concurrence libre et non faussée …


Phillip Baker / Rasta gang (Blood posse, 1994), Moisson rouge (2009), traduit de l’américain par Thierry Marignac.

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