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1 septembre 2011 4 01 /09 /septembre /2011 16:35

Après ces trois romans, déroutants et/ou éprouvants il me fallait une bonne récréation, certaine à 100 %. Et je n’avais pas encore lu le Donald Westlake paru en juin, Monstre sacré. Difficile de trouver mieux pour un plaisir garanti.

 

WestlakeDans sa villa grandiose, au bord de sa superbe piscine Jack Pine reçoit un journaliste de People qui vient l'interviewer. Jack est une star vieillissante, il enchaine maintenant les films sans gloire dans une brume d’alcools et de drogues. Ce matin c'est particulièrement dur. Il ne souvient plus du tout de ce qu'il a fait la veille.

 

Mais bon, ce n'est pas la première fois que Jack raconte, encore et encore, les mêmes anecdotes sur sa carrière, et puis, même s'il est plus que brumeux, Jack est un vrai pro … Sauf que là, le journaliste a l'air bien curieux, et que petit à petit, certains épisodes peu reluisants ressortent …

 

Pas le meilleur Westlake mais un très bon. Et un très bon Westlake c'est déjà le haut du panier. Dialogues cousus main, construction narrative millimétrée et virtuose au service d'une intrigue impeccable, écriture d'une limpidité parfaite qui, comme chez Elmore Leonard donne une impression d'évidence et de facilité …

 

Au final la peinture au vitriol du monde du cinéma et en même temps une immense tendresse pour les marionnettes pitoyables mais ô combien humaines qui s'agitent sous nos yeux.

 

Bref du plaisir certifié Donald Westlake.

 

Donald Westlake / Monstre sacré (Sacred monster, 1989), Rivages/Thriller (2011), traduit de l’américain par Pierre Bondil.

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27 juillet 2011 3 27 /07 /juillet /2011 21:43

N’oublions pas que ce sont les vacances, et pendant les vacances, plus que jamais, on a le droit de se faire plaisir. Et comment se faire mieux plaisir qu’avec un Elmore Leonard qu’on avait gardé pour le déguster tranquillement ? Cette fois c’est La guerre du whisky que j’avais laissé de côté pendant l’année.

 

Leonard whiskyDébut des années trente, au fin fond du Kentucky les autorités ont une façon bien à elles de faire respecter la prohibition. Disons que quand ceux qui distillent acceptent d'abreuver régulièrement le shérif et ses nombreux adjoints, ils ferment les yeux. Jusqu'à ce qu'un représentant fédéral ripoux décide de trouver les 150 tonneaux de vieux whisky que le père de Sonny lui a légués. Or il se trouve que Sonny, revenu sur ses terres après quelques années d'armée, n'a aucunement l'intention de se laisser dépouiller, ni même de partager avec qui que ce soit. C'est donc la guerre …

 

Encore et toujours du Elmore Leonard pur grain. Dialogues ciselés, intrigue millimétrée, personnages immédiatement attachants, affreux très affreux et très bêtes, morale élastique. Et une écriture d'une simplicité et d'une limpidité qui rendent l'histoire absolument évidente.

 

Et puis Elmore Leonard a sa façon bien à lui de reprendre les clichés à son compte pour écrire des histoires qui n’appartiennent qu’à lui. Ici c’est bien sûr la prohibition qui a donné tant de films noirs et de romans de gangsters urbains qu’il transporte à la campagne avec tout le folklore (mitraillettes, voitures noires et pépées bien roulées incluses) pour en faire … du Elmore Leonard.

 

Bref une lecture jouissive avec en prime le plaisir de voir l’auteur reprendre et distordre les références mythiques parmi les plus ancrées du genre. Et quel lecteur de polar n’est pas amateur de références et de clichés ?

 

Elmore Leonard / La guerre du whisky (The moonshine war, 1969), Rivages/Noir (2011), traduit de l’américain par Elie Robert-Nicoud.

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2 juin 2011 4 02 /06 /juin /2011 14:03

De temps en temps, juste pour le plaisir, il est bon de lire un petit Elmore Leonard. Cette fois-ci ce sera Mr Paradise.

 

leonard paradiseTony Paradiso, alias Mr Paradise est un charmant vieil homme. Avocat à la retraite il a gagné des fortunes en aidant les truands les plus bêtes, mais les plus chanceux, à demander des dommages et intérêts à la police de Detroit. A plus de 80 ans, il a bien le droit de profiter de la vie, et de quelques plaisirs simples, comme celui de louer de jeunes et belles (très belles) femmes pour qu’elles fassent les pompom girls pendant qu’il regarde de vieux matchs de baseball.

 

C’est son bras droit, Taylor, ancien truand qu’il a sorti d’affaire, qui lui sert de chauffeur et homme à tout faire. Tout va donc bien jusqu’à ce soir où Mr Paradise et la ravissante Chloe se font descendre. Taylor essaie de faire croire à Franck Delsa, en charge de l’affaire, qu’il s’agit d’un cambriolage ayant mal tourné. Il ne devrait pas prendre Frank pour un con. Parce Frank n’aime pas ça du tout. Et ça va chauffer …

 

Du pur Elmore Leonard. Des personnages cools, très cools, des dialogues qui claquent, des truands méchants mais surtout bêtes comme leurs pieds (mais attention, suffisamment méchants quand même pour être dangereux), de l’humour, une intrigue aux petits oignons et une écriture qui semble couler de source.

 

Que faut-il de plus pour passer un excellent moment ?

 

Elmore Leonard / Mr Paradise (Mr Paradise, 2006), Rivages/Noir (2011), traduit de l’américain par Danièle et Pierre Bondil.

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18 mai 2011 3 18 /05 /mai /2011 22:50

Je l’attendais depuis longtemps ce James Lee Burke. Depuis les échos de sa sortie aux US pour tout dire. Là-bas La nuit la plus longue (The tin roof blowdown) avait fait sensation comme Le Roman sur le drame Katrina. Gageons qu’il va faire sensation ici aussi.

 

BurkeFin août 2005, l’ouragan Katrina dévaste le sud de la Louisiane et rase La Nouvelle-Orléans. Vétusté des installations, indifférence du pouvoir fédéral, abandon d’une région pauvre … Ajoutez à cela un second ouragan, Rita, quelques jours plus tard la région est entièrement détruite. Avant les cauchemars de Dave Robicheaux tournaient autour du Vietnam :

 

« En me rendormant, je me répète une fois encore que plus jamais je n’aurai à être témoin, sur une grande échelle, de la souffrance de civils innocents, ni de trahison et de l’abandon de mes compatriotes au moment où ils sont le plus dans le besoin.

Mais c’était avant Katrina. C’était avant qu’un ouragan plus puissant que la bombe qui a frappé Hiroshima n’épluche le sud de la Louisiane. C’était avant qu’une des plus belles villes d’Occident n’ait été tuée trois fois, et pas uniquement par les forces de la nature. »

 

Dans le chaos qui suit, un état de guerre s’installe : pillages, fusillades entre gangs, assassinats perpétrés par des milices racistes … Les morts et les ravages se multiplient. C’est dans ce contexte que deux jeunes noirs qui venaient de piller une villa abandonnée sont abattus. Le FBI, accusé de couvrir les milices blanches et les flics ripoux décide de faire un exemple et tout semble désigner un voisin. Mais pour Dave Robicheaux qui se trouve par hasard en charge de l’affaire, les choses sont plus complexes.

 

Autant avertir les fans de Dave tout de suite, cet épisode est un peu différent du reste de la série. Certes on retrouve Robicheaux, ses démons et son besoin de rédemption, ainsi que tous les personnages qui gravitent autour de lui : Molly et Alafair, Tripod le raton  laveur à trois pattes, Clete Purcel, plus imprévisible que jamais, Helen, la chef … On retrouve quelques affreux pas piqués des hannetons. On retrouve aussi l’empathie avec les victimes et l’admiration pour ceux qui, dans une société corrompue qui les écrase, luttent pour rester dignes et fidèles à leurs valeurs.

 

Par contre, peu très peu d’intrigue. Ou plutôt une intrigue prétexte qui tient tout juste la route.

 

Mais comment faire autrement ? la victime est connue : La Louisiane et en particulier la Nouvelle-Orléans. Les coupables sont connus : l’ouragan et les années de politique de désengagement de l’état, de coupures dans les budgets des services publics, d’abandon progressif des plus pauvres. Et on sait déjà que les coupables ne seront pas arrêtés … Tout le reste est anecdotique.

 

Alors James Lee Burke est en colère, et Dave Robicheaux aussi. C’est cette colère, la rage face à l’abandon de toute une population par ceux qui sont censés la protéger, l’épauler, l’aider, la sauver qui irrigue tout le roman. Cela et le constat, désespéré et désespérant, que confrontée à une catastrophe, au lieu de se serrer les coudes la population se déchire.

 

Il est frappant de constater que face à une telle situation d’urgence, ce n’est pas la solidarité qui a prévalu, ni l’entraide, mais qu’elle a contraire fait ressortir le pire : pillages, viols, guerres de gangs, meurtres racistes … Sans compter juste après les différentes arnaques et magouilles pour s’enrichir en détournant l’argent de la reconstruction.

 

Cela en dit long sur un pays et l’état de délabrement auquel il est arrivé. Cela explique aussi pourquoi les media américains étaient tellement stupéfaits des récentes réactions de la population japonaise dans une situation différente mais présentant des similarités … Et cela nous interroge sur ce que pourrait être la réaction d’une société française de plus en plus individualiste.

 

Mais je m’égare. Revenons à Dave Robicheaux … Un épisode donc atypique dans sa narration, où l’écriture lyrique de James Lee Burke, son chant d’amour à sa ville (toute corrompue qu’elle soit), aux bayous, sont un peu mis entre parenthèse pour laisser la place à sa colère et son désespoir. Un épisode qui semble lui voir perdre les quelques rares illusions qu’il lui restait :

 

« Nous sommes censés être une société chrétienne, tout au moins une société fondée par des chrétiens. Selon les mythes que nous avons forgés, nous respectons Jésus, Mère Theresa et Saint François d’Assise. Mais je crois que la réalité est différente. Quand nous nous sentons collectivement menacés, ou quand nous sommes collectivement touchés, on a envie que les frères Earp et que Doc Holliday s’en occupent, on a envie que les méchants se fassent descendre, qu’ils soient cuits, fumés, séchés, enterrés par des bulldozers. »

 

Un roman qui pourrait marquer une rupture. Il y a un avant et un après Katrina en Louisiane, y aura-t-il un avant et un après The tin roof blowdown dans la vie littéraire de Dave Robicheaux et de James Lee Burke ? Le prochain roman nous le dira.

 

James Lee Burke / La nuit la plus longue (The tin roof blowdown, 2007), Rivages/Thriller (2011), traduit de l’américain par Christophe Mercier.

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5 mai 2011 4 05 /05 /mai /2011 23:16

Ils reviennent ! Qui ? Patrick Kenzie et Angela Gennaro pardi. Nos deux privés préférés, que l’on croyait à jamais perdus pour le polar. Dennis Lehane les a repris dans Moonlight Mile. Un vrai bonheur. Je sais, des esprits chagrins ne manqueront pas de dire que ce n’est pas le meilleur Lehane, et ils auront raison, ce n’est pas le meilleur. Moins dense et effrayant que Ténèbres prenez-moi la main ou Gone, baby gone. N’empêche que c’est quand même un bon cru. Et qu’un bon cru de Lehane vaut pas mal d’autres choses que l’on peut lire. Et puis c’est tellement bon de les retrouver !

 

LehaneIl y a treize ans, Patrick Kenzie et Angela Gennaro retrouvaient Amanda McCready, gamine de quatre ans enlevée à sa mère. Une mère indigne, qui ne s’occupait jamais d’elle. C’était Gone, baby gone. Elle avait été enlevée par des flics qui avaient décidé de court-circuiter la justice et les services sociaux pour confier les enfants qu’ils considéraient (souvent à juste titre) comme maltraités à des couples qui s’en occuperaient correctement. Patrick et Angela avaient donc retrouvé Amanda, et l’avait rendue à sa mère indigne, inconsciente, indéfendable …

 

Aujourd’hui Angela fait des études, Patrick travaille au coup par coup, sous payé, pour une grosse agence d’enquêtes privées au service des plus riches. Ils ont une fille de quatre ans … Ils tirent le diable par la queue et Patrick n’aime ni son travail, ni les gens à qui il profite.

 

C’est sans doute pour cela que, lorsque la tante d’Amanda vient leur dire que la jeune fille qui a aujourd’hui 17 ans a une nouvelle fois disparu, Patrick accepte de la chercher de nouveau. Au risque de perdre toute possibilité d’emploi fixe, au risque de mettre sa famille en danger.

 

Ils reviennent donc pour notre plus grand bonheur. Quel plaisir de les retrouver, de voir comment ils ont vieilli (et nous avec) de retrouver leurs dialogues inimitables, leur humour, leur amour et leur rage toujours intacte. Car s’ils ont pris quelques années, s’ils sont moins casse-cou (ayant beaucoup plus à perdre), si les courbatures font mal plus longtemps, on les aime toujours autant. Quel plaisir de revoir l’abominable Bubba, sur qui les années ne semblent pas avoir de prise.

 

Quel plaisir de voir que Dennis Lehane n’a rien perdu de son talent de dialoguiste. Les répliques claquent, les personnages ont le sens de la formule, et certaines scènes de dialogue, comme celle entre Patrick et trois adolescentes typiques ayant plus de dollars dans leur compte en banque que de mots à leur disposition vaut son pesant de cacahouètes.

 

Quel plaisir aussi de voir que l’auteur n’a rien perdu non plus de son indignation face aux injustices, toujours plus flagrantes, toujours plus rageantes. Car comme toujours, en toile de fond d’une histoire haletante, il dresse le portrait de sa ville et de ses habitants. De gens paumés, laminés par la crise économique, complètement désemparés quand le sacro-saint profit, l’évangile des gagnants, le Dieu marché auxquels ils avaient cru, qu’on leur avait vendu s’est écroulé et les a laissé sans rien.

 

Ce désarroi, cette panique, ce désespoir baignent le roman, mais ne le dominent pas. Car Patrick et Angela, comme leur auteur, restent fidèles à certaines valeurs et ne sont pas prêts à faire n’importe quoi pour s’en sortir.

 

« Mes joies l’emportent sur mes peines » déclare Patrick à la fin du roman. Cela vaut aussi pour le lecteur.

 

Dennis Lehane / Moonlight Mile (Moonlight Mile, 2010), Rivages/Thriller (2011), traduit de l’américain par Isabelle Maillet.

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2 mai 2011 1 02 /05 /mai /2011 22:56

Vous avez sans doute déjà lu des avis très positifs sur le dernier Thomas H. Cook, Les leçons du mal : Bibliomanu a aimé, Claude également, Cynic 63 aussi … Et bien d’autres. Voici ma contribution.

 

CookNous sommes en 1954. Jack Branch, comme son père, est professeur dans le lycée public de Lakeland dans le sud des US. Dernier rejeton d'une grande famille de planteurs, il voit son métier comme un sacerdoce, un devoir de classe pour cet aristocrate du sud de partager avec les petits blancs sans instruction l'immense culture qu'il a reçu en héritage (à défaut de partager une fortune qui va, petite à petit, en déclinant).

 

Pygmalion du delta du Mississippi, il va lier une étrange relation avec un de ses élèves. Lui l'héritier du quartier des Plantations va tenter d'élever Eddie, petit blanc du quartier misérable des Ponts, fils d'un assassin, au dessus de la condition qui semble lui être promise. Il le pousse à enquêter sur son père, mort en prison des années auparavant après avoir tuée une étudiante prometteuse, sans se douter qu’il va ainsi ouvrir la boite de Pandore …

 

Un Thomas Cook dans la grande tradition serais-je tenté de dire. Ce qui est un gage de qualité, de grande qualité même. C’est que l’on retrouve ici toutes ses thématiques : une société très hiérarchisée et traditionaliste, les relations père / fils, la force du doute et du soupçon, et le poids du passé.

 

La construction virtuose passe en permanence du présent (d'où le narrateur se souvient de cette année 54) au passé sans jamais perdre le lecteur. Le rythme lent correspond bien à cette société du Sud qui semble figée à jamais. La description de cette société de classe, pour ne pas dire de caste est à la fois impitoyable dans sa lucidité et d’une grande finesse dans son écriture. L’auteur ne juge jamais, il ne fait aucun commentaire, ne charge aucun personnage. Il se « contente » de décrire, d’adopter un point de vue … Sa qualité de conteur, la justesse des descriptions des rapports entre les personnages fait le reste.

 

La brusque accélération des derniers chapitres, au découpage cinématographique époustouflant de maestria n'en a que plus d'impact.

 

Encore une très belle réussite de cet auteur au ton unique.

 

Thomas Cook / Les leçons du mal (Master of the Delta, 2008), seuil (2011), traduit de l’américain par Philippe Loubat-Delranc.

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28 avril 2011 4 28 /04 /avril /2011 22:42

« Ce premier roman de Dave Zeltserman est une plongée dans un enfer digne de Jim Thompson » lit-on en quatrième de couverture. Autant les parrainages de Don Winslow et James Ellroy n’écrasaient pas le dernier Nick Stone, autant là, l’éditeur fournit à Crimes sans importance de Dave Zeltserman un costume qui se révèle un poil grand …

 

zeltsermanJoe Denton sort de taule. Ancien flic d’une petite ville du Vermont il est tombé pour incendie volontaire et tentative de meurtre sur la personne du procureur local. A l’époque, il faisait partie d’une bande de flics ripoux, shérif en tête, tous plus ou moins au service de Manny, le parrain local. Aujourd’hui donc, Joe sort.

 

Pendant les sept ans qu’il a passé à l’ombre sa femme et ses filles sont allées s’installer ailleurs, ses parents ne sont jamais venus le voir, et on ne peut pas dire que les habitants de sa ville voient d’un très bon œil sa libération. La réinsertion s’annonce donc difficile. D’autant plus que Manny est sur le point de mourir d’un cancer et pourrait bien être tenté de parler, révélant ainsi un certain nombre de turpitudes qui vaudraient à Joe un retour définitif en prison.

 

Dès le premier jour le shérif le met face à un choix : s’il veut rester libre il doit faire taire Manny définitivement ou abattre le procureur qui veut absolument se venger de ce qu’il a subi sept ans auparavant. C’est une lente descente en enfer qui commence pour Joe.

 

Un costard un peu grand donc … Car si ce roman se lit sans déplaisir, et s’inspire effectivement (consciemment ou non) des écrits les plus noirs du grand Jim, on est quand même assez loin du compte.

 

On retrouve bien certaines thématiques de Mr Zéro, ou de Le démon dans ma peau, voire la description d’une petite ville aux mains de forces de l’ordre complètement pourries de 1275 âmes. On retrouve aussi une de ces intrigues dont il avait le secret, où l’on sait dès le premier chapitre que tout ne peut que mal finir, l’intérêt étant de savoir quand et comment. Dave Zeltserman assure le boulot, on lit avec plaisir, les péripéties s’enchaînent bien. Et on refermerait le bouquin plutôt content s’il n’y avait pas la référence écrasante.

 

Parce que c’est là que le bat blesse. Chez Thompson le lecteur est horrifié, secoué, retourné … Il ressent compassion, dégoût, mépris, tendresse, pitié … pour les personnages. Là rien, ou pas grand-chose. L’auteur lui-même semble ne pas vraiment savoir ce qu’il pense de son narrateur. En ce qui me concerne il m’a surtout prodigieusement agacé avec son ton geignard et ses trop (beaucoup trop) nombreuses auto justifications. Le pauvre ne voulait pas faire le mal mais il a cédé et est sincèrement désolé, ce qui ne l’empêche pas de continuer à semer la désolation autour de lui, mais toujours « sans faire exprès ». Le pire est qu’on se fiche un peu de ce qui arrive à ses victimes, et qu’on est plutôt content de le voir crouler sous les ennuis. Ce qui affaiblit la portée du roman, même si, je le répète, l’auteur, malgré quelques longueurs, sait attraper son lecteur et le mener au bout du roman.

 

Bref, un polar honnête, qu’on peut prendre plaisir à lire, à condition d’oublier momentanément le « modèle ».

 

Dave Zeltserman / Crimes sans importances (Small crimes, 2008), Rivages/Thriller (2011), traduit de l’américain par Gérard de Chergé.

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17 avril 2011 7 17 /04 /avril /2011 00:58

C’est avec une certaine appréhension que j’ai ouvert ce troisième volume des aventures de Walt Longmire de Craig Johnson. En effet, contrairement aux deux premiers, L’indien blanc ne se déroule pas dans le Wyoming sauvage, mais dans une grande ville. L’auteur n’allait-il pas y perdre son latin ? Son ton ? Son enchantement ? Des craintes qui se sont révélées totalement injustifiées.

 

JohnsonWalt Longmire, shérif dans le Wyoming, décide d’accompagner son ami Henry Standing Bear à Philadelphie où il présente une série de ses photos sur la Nation Cheyenne. L’occasion pour lui de voir sa fille Cady, avocate dans une grand cabinet, et de faire connaissance avec son ami Devon, avocat comme elle. Malheureusement, le soir de son arrivée, Cady est agressée et se retrouve dans le coma. Walt acquiert très rapidement la certitude que Devon est mêlé à l’agression. Il a peu de temps pour s’en assurer. Moins de 48 heures plus tard le jeune avocat est tué. Impliqué malgré lui, Walt décide alors d’enquêter dans la grande ville.

 

Donc tout va bien, Craig Johnson est aussi à l’aise à la ville quand dans les immensités du Nord-Ouest sauvage. Il faut dire que s’il est actuellement propriétaire d’un ranch situé à quelques kilomètres d’une métropole de 25 habitants, il fut, en son temps, flic à New York ! Donc le bonhomme a plus d’une corde à son arc, et plus d’une expérience dans sa besace.

 

Résultat, l’écriture est aussi belle et convaincante quand il décrit un environnement urbain que dans ses tableaux des montagnes sauvages, les personnages sont plus attachants que jamais, l’émotion est palpable et son humour n’a pas changé. Le roman permet d’approfondir les relations entre Walt et sa fille, et d’apprendre à connaître une peu mieux La Terreur, Vic, adjointe de Walt, et de faire connaissance avec sa famille, tous (ou presque) flics à Philadelphie.

 

Bref, le lecteur se régale et en redemande. C’est quand le prochain ?

 

Craig Johnson / L’indien blanc (Kindness goes unpunished, 2007), Gallmeister (2011), traduit de l’américain par Sophie Aslanides.

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6 avril 2011 3 06 /04 /avril /2011 22:04

Fidèle à mes principes, après une semi-déception, hop, retour vers une valeur sure. J’avais raté La vierge de cuir de Joe R. Lansdale lors de sa sortie en grand format. Je me rattrape donc avec sa réédition chez folio.

 

LansdaleRetour d’Irak difficile pour Cason Statler. Il a perdu son boulot de journaliste à Houston, son ancienne copine l’a largué, et les souvenirs de ce qu’il a vu (et fait) en Irak ne le laissent guère dormir. Du coup, il picole une peu plus que de raison.

 

Décidé de repartir à zéro, il accepte un poste de chroniqueur dans le journal de sa ville natale Camp Rapture à l’est du Texas. Pour bien commencer, il choisit d’écrire une série d’articles sur la disparition, six mois auparavant, de Caroline Allison. Cette jeune étudiante en histoire à la beauté renversante s’est littéralement évanouie un soir et, étrangement, peu de gens semblaient la connaître réellement. Cason ne se doute pas que son enquête va mettre le feu aux poudres dans une ville qui n’est peut-être pas si calme qu’il n’y paraît.

 

Autant le dire tout de suite, ce n’est pas le meilleur Lansdale. La description de l’est du Texas présent dans tous ses romans, y est moins fouillée, plus superficielle, même s’il rend bien les tensions religieuses et raciales en arrière plan. On tremble moins pour les personnages que dans Les marécages ou Du sang dans la sciure (auquel il est d’ailleurs fait référence, brièvement) …

 

Mais c’est quand même un Lansdale, avec le minimum garanti à savoir : des dialogues jubilatoires, une histoire qui tient la route, de belles scènes de castagne, de l’humour, de la noirceur, des méchants vraiment méchants … Et donc, comme toujours, on ne s’ennuie pas une seconde.

 

Parmi les bonus de cet opus (joli non ?), le personnage de Booger, psychopathe incontrôlable, ami improbable de Cason qui vient mettre un peu de sel et d’action dans le deuxième partie du roman. Un personnage style Bubba, de chez Lehane, du genre qu’il vaut mieux avoir pour ami, même s’il peut se révéler un ami embarrassant.

 

Bref, un excellent moment de lecture, comme toujours avec cet auteur.

 

Joe R. Lansdale / La vierge de cuir (Leather maiden, 2008), Folio policier (2011), traduit de l’américain par Bernard Blanc.

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28 mars 2011 1 28 /03 /mars /2011 22:08

De temps en temps on lit ici ou là que le polar américain serait en chute libre, que le centre de gravité c’est déplacé en Europe, qu’il n’y a plus rien de neuf de l’autre côté de l’Atlantique. Ben mon colon, il est encore vert le mourant ! Depuis le début d’année on a eu Ron Rash et son extraordinaire Serena, le toujours excellent Pelecanos, le nouveau Ken Nunn, on attend un Dennis Lehane et un James Lee Burke … Et là, tout de suite, vous allez vous prendre Savages, le dernier Don Winslow en pleine poire.

 

Winslow

Ils sont trois, inséparables.

 

Ben, le bon, génie de la botanique, devenu richissime en cultivant la meilleure herbe de Californie du Sud. Dans ses nombreux moments perdus Ben sillonne le tiers-monde pour améliorer le sort des plus malheureux.

 

Chon, la brute, ex soldat d’élite, ancien d’Irak, de Truckistan, spécialiste es maniement de toutes sortes d’armes.

 

Avec eux, O, pour Ophélia, gamine un peu paumée, pas mal cinglée, fille d’une bourgeoise liftée et républicaine typique de la Californie du sud. O qui aime faire les boutiques et manger. Et O aime le sexe, surtout avec ses deux hommes Chon et Ben. Jusque là tout va bien.

 

Mais, et c’est là qu’interviennent les truands. Le cartel de Baja California (BC) veut imposer à Ben de passer par eux pour vendre son produit haut de gamme. Ben qui ne veut pas en entendre parler. Donc c’est la guerre.

 

Tous ceux qui fréquentent ce modeste blog ont lu La griffe du chien. Ou sont en train de le lire, ou ont prévu de le lire. De toute façon vous savez déjà que Don Winslow est un grand, un très grand du polar. Il le confirme ici de façon éclatante. Une véritable gifle.

 

Pas un seconde de répit tout au long des 290 chapitres qui claquent, secs comme des coups de trique. Don Winslow prend d’emblée le lecteur aux tripes, le secoue sans pitié, et le laisse sonné à la dernière phrase. Des phrases déconstruites, reconstruites, mots déconstruits et reconstruits, tout cela pour atteindre une écriture rythmée, scandée, hypnotique qui dresse le portrait sans concession d’un monde sans pitié. La griffe du chien décortiquait la montée au pouvoir des cartels de la drogue mexicains, avec l’aide bienveillante de la CIA et de l’église. Savages nous jette à la figure le résultat.

 

Et il n’a rien de réjouissant. Fini les doux glandeurs de la Patrouille de l’aube, fini le surf, l’attente de la vague avec les amis de toujours. Le monde n’est pas gentil, ou améliorable, comme voudrait le croire Ben, il est impitoyable, comme le sait Chon :

 

« Chon avait toujours su qu’il existait deux mondes distincts :

Les sauvages.

Et les moins sauvages.

Le sauvage est le monde du pur pouvoir primitif, survie des mieux adaptés, cartels de la drogue et brigades de la mort, dictateurs et hommes demain, attaques terroristes, guerres des gangs, haines tribales, assassinats de masse, viols de masse.

Le moins sauvage est le monde du pur pouvoir civilisé, gouvernements et armées, multinationales et banques, choc et effroi en écrasant l’adversaire par une puissance de feu très supérieure, mort-venue-du-ciel, génocide, viol économique en masse.

Et Chon sait que …

C’est le même monde. »

 

Bienvenue dans le monde de Chon. Une véritable gifle donc. Et malgré l’horreur, malgré la trouille, on ne peut pas lâcher le bouquin jusqu’à l’apocalypse finale que l’on sait inévitable.

 

J’oubliais, parce que je suis encore sous le choc … Savages est une sorte de mélange entre La griffe du chien pour la thématique et la violence qui vous arrive en pleine figure, et des romans plus coooooool et drôles que l’auteur car, en plus, dans la première partie, il y a de l’humour, essentiellement autour des relations entre O et le reste du monde en général, et sa mère (complètement cintrée) en particulier.

 

Mais à la fin on ne rit plus. Plus du tout.

 

Magistral.

 

Don Winslow / Savages (Savages, 2010), Le Masque (2011), traduit de l’américain par Freddy Michalski.

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